AUTOPSIS

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AUTOPSIS : Voir par soi-même, est d’abord une discipline de la mémoire : Se souvenir de tout pour en oublier la plus grande part, oublier les dogmes et les vérités indiscutables, oublier encore leur corollaires les plus pernicieux : les conventions écrasantes, les idées préconcues, les certitudes jamais vérifiées; oublier surtout que c’est impossible afin de se mettre en chemin et se gorger d’images comme autant de grains de pollen, insignifiants en apparence, mais constitutifs des plus belles histoires que nos petits-enfants s’efforceront d’oublier. Alors, à leur tour, ils iront voir par eux-mêmes et découvriront que voir, c’est faire exister.

dimanche, avril 30, 2006

J'ai poste les deux derniers messages d'Haskovo, ma derniere ville de Bulgarie. Le dernier etait illustre de photos mais pas de prise USB sur l'ordinateur alors je les rajouterai a la premiere occasion.. Demain je pars tot, je serai demain soir a Edirne, en Turquie, apres avoir fait un detour d'environ 25 kms en Grece, juste pour les tampons sur le passeport.. Vanitas vanitatis....


Je viens de descendre toute la valle de la Maritza (c'est ma riviereeuu, la la la la la la laaa), une plaine immense, l'horizon semble encore plus loin ici qu'ailleurs, cela devrait etre monotone, ce ne l'est pas, beaucoup de chevaux, sont-ils sauvages, je ne sais pas, quelques troupeaux de moutons enormes et marrons. Avant Plovdiv, des vignes a perte de vue et puis rien de particulier mais dans l'air, une forme d'harmonie. La route est un defile continuel de camions (axe Turquie-Allemagne) mais quelle importance: elle est bordee de si beaux tamaris, de lilas, de chevrefeuilles a toutes petites fleurs et d'enormes coquelicots incongrus, il fait si froid.
La Maritza musarde et meandre comme si elle ne semblait pas pressee de quitter la Bulgarie. Je la comprends mais d'autres pays m'attendent.
Ton pays est beau, Cyril, ne l'oublie pas!

Jeudi Soir, Sofia
Je me suis occupe de moi, je suis installe chez Dimitar Altanov. Je dois maintenant m'occuper de mon velo: 2500 kms sans une crevaison meritent une recompense, quelques signes de fatigue, sur la roue avant anormalement chargee, imposent des soins. Il aura les deux, mais ou?
Premier carrefour, rue pirotska, non que des cafes! rue tsar Simeon, non plus, que des echopes de pieces detachees de bagnoles, en face.. j'en suis la de mes reflexions quand je suis interpelle en anglais par un grand echalas, les epaules voutees, avec un beau velo. Depuis l'Italie, j'ai tout vu en matiere de velo, tout entendu surtout, frottant, grincant, couinant, cognant, du paysan assis sur ses peaux de mouton a celui qui coincait son foin entre le cadre et sa faux, lame en l'air... Alors, cette belle bicyclette, propre, silencieuse, avec les deux roues dans le meme plan m'a intrigue plus que le bonhomme, j'avais tort!
Cyril n'avait pas d'age, plus de cinquante, moins de soixante-dix, mais entre les deux? Il n'avait pas de taille non plus, je le croyais grand, il ne l'etait pas. Il m'a d'abord conduit chez Atanase qui, le lendemain, a l'heure dite, me rendait pour un prix ridicule, un velo parfait; puis, comme si cela allait de soi, m'a ramene chez lui.
Un immeuble vetuste dans une petite rue encombree d'epaves de voitures et de chiens; cinq etages d'un escalier plein d'un bric-a-brac extraordinaire: des choses que l'on ne garde pas dans les appartements mais dont, quand on est pauvre, on ne se defait pas: un vieux moteur de machine a laver, les restes d'une installation electrique, des tubes et de la ferraille, une selle de mobylette. Dire que l'appartement de Cyril etait modeste ne signifie rien, mais que dire? Seuls elements cossus, un piano droit tres haut et tres vieux et une television devant laquelle etaient assises sa femme et une voisine en robe de chambre. Les deux disparurent immediatement, alors commenca le long, l'interminable recit de sa vie, sa fille en Allemagne, puis son metier de traducteur qu'il n'exercait qu'occasionnellement, puis le communisme, puis les camps de travail, quatre ans a Belala, ou Balele, ou Balala, je ne sais plus, quatre ans de froid, de faim, de moustiques, de mort, puis, puis, puis... Comme si les mots ne suffisaient pas, il est alle chercher une petite valise dans laquelle sa vie toute entiere etait contenue; ses papiers, ses photos, son proces, sa deportation, tout etait la et m'oppressait: Trente ans apres sa sortie des camps, il n'etait pas libere, plus il parlait, plus il paraissait etre reste derriere des grilles.
A 21h30, pour que je reste encore, il m'a emmene diner dans la cuisine; je suis sur que sans moi, il ne l'aurait pas fait. Une ecuelle de soupe froide aux epinards avec du yogurt dilue et du paprika, quelques tiges d'ail frais a croquer et un peu de gateau de fromage.
Le lendemain- il m'avait fait promettre de revenir -sa litanie froide et sterile ne s'etait pas arretee: sa maison dont le toit avait brule et que l'on avait jamais reconstruit, se contentant d'etaler du ciment sur le parquet du grenier, les communistes, les mafias, le gouvernement...Pas de revolte, juste de la plainte a l'interieur de laquelle il etait prisonnier depuis trente ans comme il l'avait ete des iles du Danube. Je devais partir, ma presence, loin de le liberer, l'enfermait davantage encore. Alors je lui ai explique pourquoi je voyageais, pourquoi je voulais fuir, pouvait-il comprendre? Je lui ecrirai dans quelques jours, dans quelques semaines.
J'ai marche, le vent glacial qui descendait du pic Musala venait ricocher sur les coupoles d'or de la cathedrale Aleksandar Nievski avant de s'engouffrer dans les rues environnantes. A l'interieur, il faisait doux, des centaines de petits cierges tres fins diffusaient un parfum melange de cire et d'encens, le lustre gigantesque suspendu au dessus du nartex emplissait tout l'edifice d'une lumiere tres faible et tres chaude, aucun siege ne venait perturber les perspectives vertigineuses du damier circulaire en marbre noir et creme dont le sol etait fait.
Le monde entier semblait s'etre concentre la, seul un rai de lumiere blanche et froide rappellait, quand on ouvrait la porte, que ce n'etait qu'une illusion.

vendredi, avril 28, 2006

Le matin, je mets a profit les deux ou trois premiers kilometres pour etre a l'ecoute des cliquetis de mon velo, pour reperer l'environnement, la topographie, le vent, le soleil et pour trouver la position et le braquet sur lesquels je me sens a l'aise; j'ai alors une idee assez claire de la bonne journee qui commence. Par contre, si celle-ci doit etre penible, c'est a la premiere seconde du premier metre que je connais exactement le calvaire qui m'attend. Cela m'est deja arrive en Italie, l'etape de Sofia sera donc la deuxieme.
Une longue ligne droite legerement montante de quatorze kilometres doit m'amener a proximite de Dimitrovgrad, la frontiere bulgare. Elle est balayee par un vent violent. Pas un seul muscle ne m'a laisse de repit, aucune position n'a su calmer les douleurs; au bout d'une heure, je n'en etais toujours pas venu a bout. J'ai passe la journee a compter les kilometres qui duraient des heures puis les hectometres puis plus rien. Je pensais etre a Sofia pour dejeuner, j'y fus a seize heures, j'ignorais encore, fuseau horaire, qu'il en etait dix-sept.
C'est en cherchant l'office de tourisme que j'ai rencontre Dimitar, petit bonhomme jovial, avenant, apparemment franc et honnete, moustache et carte de visite en avant. Il m'a immediatement propose un logement chez lui (20 euros par jour, une fortune bulgare) . J'etais epuise. Un quart d'heure plus tard j'etais installe dans une chambre confortable, mon linge etait dans la machine a laver, j'avais la clef de la maison, l'acces a la cuisine pour le the et a la salle de bains pour la douche.
Il y avait un atelier d'imprimerie dans la maison d'a cote, il etait dit qu'une journee si mal commencee n'etait pas condamnee. Une bonne vieille "heidelberg" bien noire et bien huilee faisait entendre son tchic-clac regulier, j'etais bien; deux joueurs d'echecs etait attables sur le trottoir en contrebas, j'etais loin.



Mardi soir, Alekzinac, Serbie Crna Gora,

Je ne quitterai pas ce pays sans avoir pu mettre des visages sur les ruines qui ont hante des jours durant, ma traversee de la Croatie et de la Bosnie.

La Serbie, peut-etre parce qu'elle en a garde la capitale Beograd, n'a rien renie de son passe yougoslave. Ce nom est frequemment utilise, les monuments, les batiments, l'ambiance un peu pesante sont la pour rappeller le communisme qui inspire encore largement le present de ce pays. Je ne fus donc pas surpris en apercevant de tres loin, la silhouette massive et imposante du "motel". Le coup de menton du pompiste, questionne a l'entree de la ville, marquait une forme de degout, le mot "motel" avait ete efface des panneaux routiers, mais il etait la, construit de verre et de beton a la gloire du Titisme thriomphant et j'avais besoin d'un abri.

Je le crus, un instant, desaffecte tant la facade du batiment principal etait decrepie, mais les six etages semblaient habites en permanence: linge a secher, cuisine, antennes. Il en etait de meme pour l'annexe qui paraissait avoir ete montee a la hate par dessus un long corridor.

Je ne compris pas immediatement ou etait la reception tant le hall etait vaste. La moquette de sol avait disparu sous une couche de terre, les hautes vitres censees, en leur temps, apporter la verite et la lumiere dans l'edifice etaient devenues opaques et diffusaient un jour grisatre assombri encore par quelques voilages pendants, de vieux chromos delaves vantaient, depuis des decennies, la Yougoslavie, phare touristique guidant le progres en marche. Dans ce que je crus etre la piece commune, une tele, trois fauteuils de jardin et des seaux pour recuperer, partiellement, l'eau qui gouttait des etages superieurs.

Elle etait mignonne derriere son comptoir vide, elle aurait voulu tout me dire, tout de suite, tout, en bloc, bien sur pour 10euros, une chanbre, oui, bien sur, mais, vous comprenez.. Je l'ai laissee, mortifiee, me montrer la chambre et puis parler, par saccades avec des silences entre chaques phrases puis entre chaque mots.

Ils etaient la, tous, depuis quatorze ans. La famille qui habitait la petite maison brulee a l'entree de ce village de croatie, elle etait dans une chanbre de ce motel depuis quatorze ans. Le vieux monsieur seul qui fumait, assis, dans l'escalier du batiment annexe, depuis quatorze ans lui-aussi. Ils avaient ete deplaces du Kosovo, de Croatie, de Bosnie, a l'abri alors, depuis quatorze annees, tout, hommes, femmes, batiment, avaient ete laisses a l'abandon. Bien sur, pour les familles, programme de reconstruction, fonds allemands, logements petits, mais loin, petits, pas en ville, loin, par la-bas, mais petits.. pour le vieux monsieur seul......

Je n'ai pas ose prendre la chanbre, j'aurais du peut-etre, surement, j'ai plante ma tente a l'arriere du batiment, sur les bords de la Moldava. Sur ce qui avait ete le parvis, de vieilles femmes discutaient sur deux bancs qui se faisaient face. Lorsqu'elles s'en sont levees, en fin d'apres-midi, pour laisser la place aux ados qui y passeraient la soiree, j'ai vu qu'ils etaient faits de deux madriers ficeles sur des tubulures de chaises d'ecole.

mercredi, avril 26, 2006



Plus je m'eloigne de France, plus mes reperes habituels, modes de vie, culture, cuisine, ecriture meme, disparaissent: C'est un peu vertigineux mais tellement exaltant. En revanche, les relations avec les gens que je croise ou rencontre sont plus difficiles et ne se resument, le plus souvent, qu'a l'echange de quelques mots, voire un seul: le nom du village dont je cherche le chemin. J'ai enregistre quelques mots pour installer une connivence mais c'est tres insuffisant; aussi je prends, systematiquement au moment de partir, l'initiative d'une poignee de main, solide, compacte, fraternelle.

A chaque fois -au sens litteral du mot, pas une fois n'a manque- le visage de mon vis-a-vis s'est eclaire d'un vrai sourire, authentique et cordial.

On ne rencontre que rarement des gens merveilleux mais il est possible d'enrichir le quotidien par l'accumulation d'echanges microscopiques.



Lorsque le prepose a la barriere tenta de me faire rebrousser chemin, il ne savait pas que la seule regle gravee dans le marbre de ce voyage est: "Ne jamais revenir sur ses pas".

Alors ses sept kilometres de travaux, sa route devenue impraticable, ses explosifs pour elargir les tunnels.. rien ne m'aurait fait repartir en arriere: Cela signifiait alors rallonger l'etape du jour de 35 kms de montagne: Non!!

J'ai parlemente dans toutes les langues que je connais ainsi que celles que j'ignore encore. Je crois que je l'ai tellement use, qu'au bout d'un quart d'heure, il a fini par entrouvrir sa barriere. J'etais seul a pouvoir utiliser ce defile magnifique, pas toujours tranquille sous les tunnels mais aucun autre ouvrier ne m'a barre la route. A 17h00, j'etais a Pirot comme je l'avais prevu.

Devant l'une des innombrables boutiques/epiceries/cafes qui jalonnent les routes serbes (trgovina ou pekara), je repere de loin une voiture trop fraiche, trop belle pour etre autochtone. Elle est effectivement francaise, immatriculee en Cote d'Or.
La famille a Dijon et Quetigny, les amis a Is sur Tille, je ne peux faire moins que m'arreter et m'entretenir un moment avec ces presqu'intimes. J'interpelle, dans un francais "gavroche", les trois seuls hommes attables. Le regard noir et furieux que l'un me lance pour m'enjoindre de filer vite et loin, le designe clairement comme "proprietaire" du carosse.
Trois reflexions:
  • Aucun des hommes presents dans l'etablissement n'avait du entendre parler des Hospices de Beaune.
  • Il ne doit pas etre facile de retrouver toutes les voitures volees en France.
  • Ma moyenne ce jour-la a ete beaucoup plus rapide que d'habitude.

dimanche, avril 23, 2006

360 kilometres en trois jours, c'est bon pour le moral, c'est trop, ridicule et inutile mais j'en avais besoin pour me rassurer.
Je suis maintenant en Serbie Montenegro (Serbija Cina Gora pour les slavophones) , plaine, labours, inondations, les memes magnolias violet fonces que je vois depuis plusieurs jours, malheureusement plus de glycines, j'espere les retrouver en m'approchant de la Mer Noire.
Aujourd'hui, les lilas ont fleuri, hier encore, des grappes foncees et serrees et maintenant ces epis aeriens, parme clair. J'aime ces fleurs malgre leurs feuilles trop molles, trop fragiles, trop legeres.
La Serbie ne me semble pas particulierement attrayante, des champs, des fermettes, des taillis, des routes epouvantables sillonnees par des voitures qui le sont tout autant, notamment des Fiat 500 rebaptisees Zastava 750. Le niveau de developpement du pays tout entier semble a l'image de ces autos.
Qu'importe, Jeudi, je suis a Sofia. Ah, le pouvoir evocateur de ces cinq lettres!!! Ma chere Vonny, je ne te connais pas mais tu m'as laisse un charmant message sur le bout des reves. Fort heureusement, on ne l'atteint jamais. Le reve c'est une denree magique, si vous connaissez des comptables ou des gestionnaires, conseillez-leur: Plus vous tirez sur votre stock, plus il s'enrichit. Le reve, vous en utilisez un, vous en fabriquez dix. Quand je quitterai Sofia, je serai encore plus riche d'envies et de decouvertes.

Je pensais en avoir fini avec la Bosnie Hercegovine, derniere colline avant Bijeljina, derniere colline mais aussi dernieres ruines, a l'arme lourde, cette fois, les facades sont beantes. Au sommet un chantier imposant, la construction d'une eglise un peu inspiree de celle que Le Corbusier a bati a Ronchamp.
J'avoue une certaine perplexite dans ce pays ou l'on redresse en priorite les lieux de culte alors que les habitations sont toujours abattues.
Mal a l'aise, j'ai roule, merveilleux exutoire.
A Bijeljina, dix kilometres avant le pont sur la Drina qui marque la frontirere avec la Serbie, le ciel est devenu noir, l'orage a gronde, tonne mais n'est pas parvenu a s'epancher, tout juste une petite pluie sournoise pendant deux heures. La frontiere passee, le ciel etait bleu, d'un beau bleu franc que je n'avais pas vu depuis des jours. J'y ai vu une metaphore celeste de la semaine que je venais de passer en Krajina. Je pense que vous aviez deja entendu ce nom.

La premiere tombe russe, c'est tres haut, tres loin dans la montagne, que je l'ai vue, redescendant de chez la 'mamie de Stratinska'. Faite de marbre noir, propre, entretenue, datee de 1944, elle devait etre celle d'un soldat russe car dans les kilometres qui ont suivi, j'en ai vu des dizaines. Arrive dans la valle, je retrouve des chemins plus praticables mais aussi des villages de paysans slaves, bottes et casquettes pour les hommes, foulards pour les femmes. L'ecriture cyrillique a remplace l'alphabet latin mais les mots restent les memes et les eglises orthodoxes presentent au ciel les formes plus feminines de leur coupoles a la place des minarets imperatifs des mosquees.
Sans le savoir, je suis entre en "republika srpska", la composante slave de Bosnie, l'autre etant la "federacija bosna i hercegovina" musulmane. Dans le premier village, j'ai croise le premiere carriole, j'en verrai de nombreusses avant la frontiere serbe. De petits chevaux, criniere dans les yeux, poils longs serres dans une gangue de crotte et de boue, tirent des charettes faites de 2 essieux de voiture reliee par une caisse assez mince, en planches, ouverte devant et derriere comme le serait une pirogue dont on aurait coupe les extremites. Une buche suspendue par des chaines frotte sur les pneus et servira de frein lorsque le chauffeur crotte comme son cheval s'arretera devant le bistrot. Meme en ville, a Banja Luka comme a Brcko, elles sont a leur place; je n'en ai vu aucune en Federacija.
Un meme pays, deux civilisations tellement differentes, tellement affirmees: urbaine, jeune, musulmane, moderne d'un cote d'une frontiere invisible; orthodoxe, slavophone, plus vielle et rurale de l'autre mais la paix est une valeur partagee, dit-on. Je crois, pour ma part, aux jolies filles de Lazarevac, Sanski Most ou Otacac, meme jean taille basse, meme lunettes Gucci dans les cheveux: victimes de la mode assurement, de cette mode mondiale si detestable mais qui peut aussi faire le lien. Je veux esperer que des filles, en apparence si semblables, ne laisseront pas s'entretuer les garcons au bras desquels elles sont pendues.

Lorsque j'ai tape, ma derniere livraison, le tonnerre claquait, mon velo etait dehors, j'ai panique, et j'ai tout envoye sans remettre en forme, ceci est maintenant corrige mais je ne me savais pas aussi sensible au temps.
J'espere que vous me pardonnerez.

samedi, avril 22, 2006

Jeudi matin,
La journee de repos a ete benefique pour le ciel comme pour moi. Il n'est toujours pas bleu mais la pluie a cesse et la riviere Sana qui passe en contrebas de l'hotel ne monte plus. Elle a largement recouvert ses berges naturelles, des amas de branches et de troncs se sont coinces sur les piles du pont, tasses par la vitesse des eaux boueuses.
Il est 7h30, un petit trait jaune ondule jusqu'a Banja luka. Jaune c'est bien; rouge signifie camions, voitures, bousculades, bruit; Blanc ne dit rien de precis: chemin, piste... donc , jaune c'est bien.
Les 6 premiers kilometres ont ete conformes a mon attente, belle route, je roule vite et leger lorsque le revetement goudronne disparait, je roule un peu moins leger et nettement mois vite jusqu'a Sasina, village fantome. S'offre alors a moi un chemin qui grimpe dans la montagne mais deux paysans me confirment bien la direction, je ne roule plus je pousse. J'ai pousse plus de 5 kilometres et le chemin s'est insensiblement, les pluies des derniers jours, transforme en bourbier. Faut-il donc que je t'aime, mon velo, pour t'avoir alors porte, tire pousse dans la gadoue pendant une heure encore. C'est dans un enclos a cochons que tout s'est arrete, il etait midi.
Cinq a six gorets avaient tellement pietine leur cour depuis le debut de l'hiver que pas une trace de vegetation ne subsistait, deux meules de fourrages en forme de pain de
sucre soutenues par de longues perches medianes masquaient partiellement une cahute moitie en dur,
moitie en planches.
Desempare, j'ai appelle, crie jusqu'a ce qu'une vieille femme apparaisse sur le seuil. Elle etait minbuscule, couverte de frusques de la tete aux pieds, seul apparaissait son visage avec deux yeux profonds, clairs et petillants et un franc sourire. A part son tablier, tout n'etait que lainages, des fichus, des chaussettes des gilets superposes en couches multiples, ravaudes, reprises, retricotes mille fois et sales a fremir. De ta main calleuse, elle m'a fait signe d'entrer et m'a fait asseoir pres du rechaud ou gresillait ce que je crois etre des haricots avec de l'oeuf et m'a servi une bon verre de gnole tire d'une bouteille en plastique. Elle a parle sans que je ne comprenne un seul mot et m'a montre la direction a prendre: le bourbier en sens inverse. Je ne connaitrai jamais son nom, disons la mamie de Stratinska. Je crois qu'elle se souviendra longtemps de ce fransouski tombe du ciel qui l,a embrasse avant de repartir.
En debut d'apres midi, j'avais retrouve mon chemin, 30 kms parcourus seulement mais dans la bonne direction, sans dejeuner, je me suis mis a rouler sans m'arreter, le soir j'arrivais au but que je m'etais fixe. 120 kms plus loin.
Ah, quelle belle journee.

mercredi, avril 19, 2006


Je suis arrive a Sanski Most sous une pluie battante. J'ai vu le seul hotel de la ville comme un refuge. La pluie n'a pas cesse depuis mon arrivee hier, je suis a peu pres a l'heure sur mon tableau de marche: 1660 kms soit 15% du voyage, aussi je resterai la jusqu'a demain.
Je vais laisser reposer mes chevilles, je vais m'allonger, ne rien faire, ranger mes bagages, me rassembler, me relire, vous ecrire et puis malgre la pluie, baguenauder dans cette bourgade qui, comme bihac, est grouillante de jeunes vivants.
Autopsis, c'est voir par soi-meme, alors je vois, et meme si voir n'est pas comprendre, je vois.
Je crois que j'ai besoin de soleil.....


J'ai quitte Bihac, j'ai quitte des cafes, des terrasses, de la musique et des milliers de jeunes qui semblent insensibles a ce qui les entoure. C'est une erreur, sans doute, ils ne peuvent pas etre indifferents aux multiples chantiers de reconstruction qui bouleversent la ville ni aux traces des combats encore nombreux, ils vivent. Une mosquee, blanche, intacte, magnifique, lance ses minarets pointus comme des crayons bien tailles vers le ciel comme pour le prendre a temoin.
A 16h45 et 21h00, le muezzin scandera ses sourates avec des moyens sonores tels qu'aucune ame, en ville, ne pourra y echapper. Le clocher branlant restant de l'eglise disparue, en vibre a chaque fois.
Direction Sarajevo, une longue belle route quoiqu'un peu defoncee longe la riviere Una. Grande et puissante, elle alimentera de ses eaux vertes, le Danube un peu plus loin. A gauche de la route superbe et sauvage, une voie desaffectee que des equipes de cheminots en tenue militaire s'affairent a remettre en etat, ou a deminer, si j'en crois les panneaux a tete de mort qui s'echelonnent tout le long.
De Bosanzka Krupa a Snaski Most, ma carte indique de nombreux villages ou hameaux. J'ai traverse ces villages, j'ai parcouru ces hameaux, je n'ai pas vu une maison debout. Sur certaines, on a reconstruit un toit neuf, ferme les ouvertures avec des planches clouees sur lesquelles apparaissent un nom et un numero de telephone, derisoire mais bien reel acte de propriete sur des pierres, sur des souvenirs. A d'autres on a attache un chien aboyant seul, hargneux, mais deja un espoir de retour puisque quelqu'un, qui?, passe le nourrir.
En quatre heures, j'ai vu une femme noire marchant au bord de la route avec deux sacs de supermarche au bout des bras, deux bucherons et ces quatre maisons groupees, pimpantes, des cheminees qui fument, des voitures, des tracteurs, des plates-bandes. Ah, l'ignoble suspicion!! injustifiee, sans doute, malhonnete assurement, mais je n'aimerai pas loger dans la maison debout.
La guerre est moche par ce qu'elle devoile, elle est atroce par ce qu'elle cache.

lundi, avril 17, 2006

Lundi soir,
Ce n'est pas Lundi de paques, je suis en Bosnie-Hercegovine, a Bihac.
La route a ete, a nouveau, bordee de maisons abandonnes, laisses en l'etat, ou detruites. A Vrhovine, un monument au morts indique une date de 1995, encore plus proche de nous que je ne le pensais. L'Italie est a 100 kms a vol d'oiseau, de nombreux panneaux demandent au voyageur de ne pas s'eloigner de la route, a cause des mines.

Dimanche de Paques,
A gauche de la route, une ruine. La carcasse, en pierres, de la maison semble intacte mais plus de toit, plus de porte, plus de fenetres, un incendie je suppose, voila deja plusieurs annees car des arbres ont commence a pousser a l'interieur.
A la troisieme maison dans le meme etat sur quelques centaines de metres, j'ai ete intrigue; a la dixieme, de construction plus recente dont la facade avait, en plus, ete criblee de balles, je compris que j'avais definitivement quitte les eaux emeraude de l'Adriatique.
Depuis le matin, une route cotiere un peu deprimante, temps gris, crachin, voitures, voitures, voitures et rien ni personne en dehors de ce defile incessant. Si c'est un aboutissement, pour le voyageur d'arriver a la cote, c'est, toujours, un soulagement de la quitter: ce n'est jamais un vrai pays!
C'est pour tout cela que j'avais oblique a Senj pour une belle ascension de 16 kms afin de passer le col de Krazjnic. Belle route, trainees de brume qui semblent s'accrocher dans les taillis que les rameaux de l'annee colorent de brun, de pourpre et de violet, des touffes de primeveres et puis a mi-pente, une auberge, un the bien chaud a cote d'un poele qui ronronne tout doucement. Il ressemble a une grosse cafetiere sur trois pieds, sa peinture qui s'ecaille par endroits laisse apparaitre le beton dont il est fait.
J'ai profite, un instant, du ciel qui s'etait eclairci, je fredonnais cet air idiot entendu a l'auberge et la guerre m'a pris. Je n'ai entendu, ni le bruit, ni la fureur, ni les larmes, j'ai vu les maisons brulees. Dans ce qui avait ete le garage de celle-ci, la carcasse d'une voiture et puis des equerres qui pendent encore au mur; elles avaient soutenu des etageres, mais maintenant...
Pendant des kilometres, des ruines et puis cette terre labouree pleine de promesses, et puis ces cerisierrs en fleurs, et puis cette autoroute qui sort, magnifique et insolente, de la montagne qui domine tout et a donc tout vu. Et puis ce panneau "Ecole", la guerre est donc bien finie; a 50 ans, je viens de la decouvrir.
A cote de chaque ruine, on a reconstruit des logements neufs en moellons de brique creuse, on n'a cherche, ni a finir ces maisons qui ne sont ni peintes, ni crepies, ni a faire dsiparaitrre les anciennes auxquelles elles sont flanquees.
Quel age avais-tu, Morgane, quand ces maisons ont ete mitrailles? tu etais deja nee, je pense. Qui etais-tu, ma fille, mon lapin quqnd ces greniers ont brule? cette petite fille espiegle, sur la scene de son gala de danse? Tout cela semble si proche..
Je ne ferai pas de photos de ces maisons, pas plus que des facades mitaillees d'Otocac ou je me suis arrete. Des images de guerre, j'en avais vu mille; aucune ne m'avait fait comprendre cela.

Les pompistes sont en general de bon conseil pour trouver un camping ou une auberge. Celui de Kraljevica faisait exception, incapable du moindre renseignement. Mais cette fille, dans la station, trop jolie, trop jeune, trop moderne pour s'interesser a un vieux vagabond gris, have et sale en cette fin de journee, pourquoi insiste-t-elle absolument pour m'emmener?
Elle m'a guide jusqu'a une pension vide tres a l'ecart de la route, a demande au proprietaire de m'ouvrir, par gentillesse tout simplement et puis pour parler, ce qu'elle a fait sans interruption pendant 3/4 d'heure en buvant un cafe par toutes petites gorgees. Devant un inconnu, triste, malade, malheuruese, seule, elle avait besoin de s'epancher; devant cette inconnue, je n'avais rien a dire, mais je crois qu'elle n'attendait rien de plus que les trois mots que j'ai bredouilles. Elle s'appellait Jeanne, je l'ecris a la francaise car elle avait une facon un peu aristocratique de laisser trainer le a. Quand elle s'est tue, elle est repartie vers Zagreb. That's it, c'est ainsi qu'elle finissait toutes ses phrases.

Samedi matin,
L'Italie est maintenant derriere, j'en avais un peu marre, j'avais besoin d'inconnu.
D'une frontiere a l'autre, la ou je l'ai traversee, la Slovenie fait 25 kms, une seule auberge entre les deux postes frontiere, il ne fallait pas la rater, je ne l'ai pas ratee, bien m'en a pris.
A 9h30, je rentre en Croatie, deuxieme tampon sur mon passeport, une belle journee se dessine. Enfin je retrouve des campagnes comme je les aime, pas encore modelees par le rationalisme et les plans de rentabilite: des petites parcelles jardinees au milieu de prairies naturelles, des taillis qui abritent de gros crocus parme, des talus, des violettes, des tas de fagots qui attendront bien l'hiver prochain et de petites fleurs, jaune "bouton d'or" qui ressemblent a des asters perchees sur de grosses tiges de begonias. Tout cela dans de grandes valles incurvees faites de terre bien noire, bien grasse que des motoculteurs hors-d'age retournent ceremonieusement.
La carte que j'utilise pour me frayer un chemin jusqu'a Rijeka m'annonce un tunnel routier infranchissable en velo. Elle annonce le tunnel mais n'explique pas sa presence. A 15h00, j'avais compris, je venais de pousser mon velo pendant 2h15 et 6 kms pour lui faire faire un denivelle de 900 m, 15% en moyenne, impossible de les franchir sur un velo de 35 kgs. Plusieurs camionettes, peinant, toussant, m'ont double, arcboute; je me suis , bien sur, refuse a leur faire signe, mais si l'une d'entre elles m'avait propose...
Pendant 2h15, je n'ai fait que compter les kilometres, recompte sur 100 jours, sur 110 jours, et combien jusqu'a Istambul et donc combien par jour pour le 6 Mai, et si je devais pousser cette machine sur cette pente jusqu'au 31 Juillet, jusqu'ou.... Au sommet, j'etais plus epuise par toutes ces simulations que par l'ascension et puis une telle vue sur la baie de Rijeka m'attendait.

vendredi, avril 14, 2006

Pas de cle USB sur l ordinateur alors pas de photos.....

Vendredi soir,
J ai passe ce matin une des deux seules marques de parcours naturelles de mon voyage: le fond de l Adriatique que j ai situe arbitrairement a Monfalcone. Il etait 10h30, le compteur marquait 1240 kms. La prochaine marque naturelle sera le Bosphore.
Les deux derniers jours ont ete difficiles, tout m a semble lourd. J etais inquiet pour mes chevilles qu Il Dottore Romano m a efficacement soulagees . Que bella tendinite!! et puis j ai passe la frontiere avec la Slovenie, rien n est vraiment different et rien n est vraiment pareil, l air a un autre parfum et puis, ces droles d accents sur des mots imprononcables.. Devant moi, la route s est a nouveau ouverte: Sarajevo dans 5 jours et Sofia dans 10. Il fait beau, le couple de patrons de l auberge locale est charmant, ils veulent tout savoir et je veux tout leur dire. Derriere moi, la radio diffuse un vieux Dylan, alors....

Mercredi matin,
En fin de matinee, l Italie aura ete traversee, j aurai rejoint l Adriatique. C est avec le coeur leger que je prends la route, je dejeunerai a Giollia, a l extreme sud-est de la lagune de Venise. 80 kms de nationale que je n ai pas su eviter, 80 kms de camions; aspire par ceux qui me doublaient, refoule par ceux qui me croisaient, assourdi par tous, ce n est que vers 13 heures que je me suis laisse tombe, vide, defait, a la table d un bistrot de pecheur. Il etait sombre a ne pas voir le fond de la piece, les nappes en toile ciree etaient fendues et grasses mais j etais a l abri du vent qui descendait, par rafales, des sommets enneiges du Trentino.
Dehors, de gros bateaux- en pleine ville, mais dans ce pays sans relief, les canaux remontent loin- preparaient leurs apparaux pour la peche aux coquillages; plats, petits, des petoncles sans doute, ils seront vendus directement au bord du quai.
Je devorais deux paninni en preparant l apres-midi a laquelle je pensais depuis plusieurs semaines: Je longerai la lagune par la mince bande de sable qui la separe de la haute mer: deux iles, Palestrina et Lido di Venezia et une presquile, Cavallino, je decouvrirai ainsi quelle derniere image Marco Polo avait emmenee dans son bagage, il n avait pas pu ne pas se retourner.
j ai pris trois fois le bateau, des hordes d allemands en grosses chaussettes dans leurs birkenstock m ont bouscule, des familles d americains , glaces et chips a la main, m ont meprise, des groupes de lyceens francais m ont importune avec leurs plaisanteries grasses. Je n ai, avec Polo, rien partage si ce n est quelques reflets vert jade, deja, sur la lagune et de longues perspectives de ducs d albe enchaines; Je n en avais plus envie.
A la nuit, j ai pose ma tente entre des camping-cars autrichiens et des bungalows vides, je me suis endormi avec les images qui m habitent depuis mon depart et que je ne vous dirai pas, pas tout de suite, pas a tous. Derriere, la sinistrissime, devant, peu importe, demain.

mardi, avril 11, 2006

Ces derniers messages vous sont envoyes de Montagnana, a environ 70 kms de Venise ou je serai demain. Je viens de passer le millieme kilometre.


Autour de Cremone ou tout est injustement dedie a Stradivari (Guarneri a plus fait pour la gloire de la lutherie de cette ville), le Po est endigue sur toute sa longueur. Ne serait la couleur des maisons, tout me ramene vers l'estuaire de l'Escaut dont les paysages me parlent tant: Le ciel bas et monochrome, les routes rectilignes jusqu'a l'horizon, balayees par un vent qui semble ne jamais devoir finir, quelques rares clochers, tres hauts, tres fins, permettent aux villages invisibles d'interpeller le voyageur: phares dans la brume ou quinquets de taverne, c'est promis, ici plus qu'ailleurs, chacun trouvera salut et reconfort.

La premiere semaine se termine a Tortona, petite ville sans interet proche d'Alessandria. J'ai parcouru 730 kms, un peu moins que le premier tableau de marche trace, il y a plusieurs mois, sensiblement plus que les previsions du depart. La fatigue commence a s'installer, je n'ai pas encore trouve le rythme qui me permettra de progresser, leger et fluide. Je vais, temporairement, lever le pied.
Les derniers kilometres m'ont fait traverser le site de la bataille de Marengo: Pourquoi Napoleon n'aimait-il pas la montagne?? ce site remporte allegrement la palme de la mornitude ( Victor Hugo ne connaissait pas Christine et Eric...). Le paysage est desesperement plat, de loin en loin, de grosses fermes sans style perturbent, a peine, le regard. De rares plantations de peupliers ne perturbent rien, tant elles sont convenues. Deja, le ciel bas prend cette teinte blanc sale qui m'accompagnera jusqu'a Mantova.
Tortona s'enorgueuillit, c'est indique sur de grands panneaux a l'entree de la ville, d'etre la ville natale de Fausto Coppi. Heureuse epoque ou les cyclistes n'avaent pas besoin de se transformer en panneaux publicitaires fluorescents et ne portaient, en guise de casque, qu'une noisette de brillantine. Il fallait bien, a l'arrivee, encourager la miss a appuyer son baiser..

A Stella san Bernardo, magnifique chambre d'hotes dans une vieille maison accrochee a la montagne. La proprietaire m'a reserve une table a l'auberge du village, un kilometre plus haut. Je serais passe dix fois devant l'"Osteria del nonno" sans imaginer pouvoir y diner. volets fermes, enseigne eteinte, aucune lumiere visible, j'apprendrai par la suite que l'auberge n'ouvre que le midi. J'ai pousse la porte, la vieille mamma semblait m'attendre. Malgre ses difficultes a se mouvoir, elle ne cessera de recouvrir ma table de tout ce pour quoi le cuisinier avait rallume ses fourneaux. Ah, les lamelles d'aubergine simplement grillees, les beignets, les poivrons poeles avec des anchois (la mer n'est qu'a dix kms), les tranches de prosciutto taillees uniquement dans le gras blanc nacre et la farinata, gigantesque crepe au fromage, fine et farinee de mais ou de ble. Un moment de chaleur et de quietude. Nous nous sommes echanges des rafales de "grazie" et d'"arrivederci". La montagne qui, de jour, semblait inhabitee, s'etait couverte de lumieres; la brise marine faisait trembler les petales des magnolias deja fanes. Etait-ce cette authentique gentillesse ou le vin bon comme du Brunello et petillant comme de la limonade; c'etait l'ete, le roi n'etait pas mon cousin.

Vendredi matin,
Cette nuit, j'ai campe, j'aime me retrouver dans ma minuscule tente sarcophage, entre les habits, les sacoches et mon viatique. Un demi metre cube pour se rassembler et l'univers entier pour vagabonder, les limites ne sont jamais ou elles paraissent etre.
Pour l'heure, direction Savona, apres... Je suis douloureux, le genou gauche commence a faiblir, les pointes des fesses (les ischyons, je crois) sont deux pointes de feu. Un peu de patience, avant le milieu de la matinee, tout sera calme.
Apres Imperia, une ascension assez seche pour passer le cap Berta, je saurai, en fin de journee, que la cote ligure est une succession ininterrompue de caps escarpes et de villages embouteilles et bruyants. Le soleil du matin parvient a lancer des gloires a travers les nuages et marbre de lumiere platine la surface plombee de la mer que les fusains ne dissimulent pas completement. Loin, tres loin, tres bas, les pins ressemblent a de gros champignons. Depuis plusieurs minutes, je suis poursuivi par une petarade terrifiante; le calme qui emane du palazzo dominant la route a gauche n'en semble pas affecte. Un triporteur Vespa brinqueballant, mettra une eternite a me doubler, son moteur jamais regle degage une fumee extravagante que le vent arriere ramene sur lui pour le recouvrir entierement. Il avance, ainsi, au milieu de sa bulle nauseabonde. Dans sa minuscule cabine, le chauffeur, un megot colle a la levre rit de toutes ses rares dents et baisse la tete, en quete de performances hypothetiques. Dans quelques hectometres, il passera le sommet, coupera les gaz et se laissera descendre, a tombeau ouvert jusqu'a Bartolomeo al mare.
Je le suivrai plus prudemment, quitterai le littoral a Albisola inferiore pour rejoindre la lombardie avec, en point de mire, Venise et l'adriatique:

samedi, avril 08, 2006

Les deux messages vous sont envoyes de ACQUI TERME, depuis la frontiere, il n'y a plus d'accent sur les claviers, j'espere pour vous que cela vous derange moins que moi.....




Premiere frontiere, il en reste 13, j'aurais aime faire tamponner mon passeport mais les postes de douane, francais et italien, sont abandonnes depuis des annees, en temoigne la couche de poussiere grise agglutinee sur les rares fenetres encore en place.

Peu avant Menton, j'ai double un pelerin. Je l'avais vu de loin, petite chose sombre au bord de la route, domine par la coquille de son baton, bien plus grand que lui. La tignasse pendant en meches grasses, la peau noire de soleil, noire de crasse, noire de mauvais sommeil, il etait, lui et son sac couvert d'une pelerine luisante qui achevait de le transformer en quasimodo puant. Je me suis arrete, l'ai salue, entre voyageurs... Il a grommele, je ne sais pas dans quelle langue, perclus de trop de solitude, il ne devait plus le savoir lui-meme.

Je suis reparti, lui ai fait un signe de la main, je ne saurai pas ou il allait; qu'importe, je doute qu'il n'en revienne jamais. Alors j'ai roule, derange, mal a l'aise; au detour d'un virage, une glycine m'a pris par la main pour me ramener sur la route, les agaves, les citronniers et le soleil declinant lui ont prete main forte.

A Ospedaletti, la Via Aurelia qui traverse le village est bordee de mandariniers et de dattiers. Je pense qu'on ne mange ni les unes ni les autres mais les voir m'a rassasie.



Deux kilometres au dessus de "Notre Dame de Valvert", le col de "Toutes Aures" marque la fin de mes Alpes et le debut d'une longue descente vers Nice. Derriere moi, les nuages menacant depuis le matin se dechirent sur les sommets; devant, loin devant, une minuscule echappee de ciel bleu pale, pas meme une culotte de gendarme mais deja une promesse d'Italie.

Je me suis arrete, retourne, j'ai essaye de reconnaitre, sans succes, les sommets qui m'avaient vu passer. Je ne me suis pas apesanti sur le chemin parcouru.. Pourtant..

vendredi, avril 07, 2006

Il y a entre le vecu et l'ecrit quelques decalages, 2 à 3 jours, le temps de trouver un site, Vendredi matin, je me suis arrete à Allassio sur la cote Ligure mais vous n'aurez les textes qu'un peu plus tard..
Merci pour vos messages.

Mardi soir,
La meteo n'est guere optimiste pour demain, pluie, vent, du froid forcement, ce n'est pas annonce mais à 1200 m em avril, forcement du froid, et puis 50 kms pour commencer, et puis les bagages trempes degoulinants, et puis l'impossibilite de s'habiller à l'arrivee, et puis ou, l'arrivee, et puis apres, combien de jours ainsi...
Dans une auberge peu apres Digne, je me suis arrete, sous le soleil qui brillait encore en milieu d'apres-midi, esperant me reposer pour l'etape de demain qui sera longue. 285 kms ont deja ete parcourus, plutot lentement, plutot douloureusement et demain, Anne-Sophie me l'a confirme au telephone, il pleuvra.
La nuit vient de tomber, achevant de noircir un ciel deja assombri par les nuages, ne me reste, comme la chevre de Monsieur Seguin accrochee à son piquet, qu'à attendre l'aube avec comme seule distraction, le journal recupere au bistrot, sale, froisse, craquant. J'ai pousse le chauffage à fond, les nouvelles locales me laissent indifferent en revanche, le sudoku est intact; allons, je le fais, je le reussis, il ne pleuvra pas.
Quoi, deux 3!!, je ne rate jamais!! il m'arrive de ne pas les finir mais les rater, jamais!! alors, la pluie, le vent, les bagages trempes jusqu'en Turquie.. Je me suis rhabille, suis descendu chercher dans une sacoche un fascicule "Sudoku Master"que Genevieve avait glisse avant mon depart, j'aurais reveille le marchand de journaux s'il l'avait fallu, j'en aurais fait mille!! j'en ai fait deux, les ai reussis, il n'a pas plu.
Tout cela est finalement assez simple.

mercredi, avril 05, 2006


Col de la pigière, Quelques kilomètres pour quitter Séderon et le col est déja franchi. De l'autre coté, toujours la Drôme mais déja la Provence, celle de Giono, marquée par les eaux froides, sauvages, farouches de la Durance. A droite, la magnifique crête enneigée de la Montagne de Lure, en contrebas de la route, le "Jabron", bientôt il se prélassera sur toute la largeur d'une vaste plaine alluviale, pour l'heure, il n'est qu'un ruisseau se jouant de la lumière blanche du matin, la renvoyant en milliers d'aiguilles qui piquent plus qu'elles ne réchauffent. A gauche, quelques pierriers s'écoulent nonchalamment, semblant se réveiller du gel de la nuit. Sur un promontoir, une vache en contre-jour, la tête encore couverte de son pelage d'hiver, me regarde passer, toute auréolée de soleil.
Et puis, sentinelles innombrables, ces petits chênes verts couverts, depuis l'automne, de leurs feuilles sèches qui cliquettent dans la brise.
C'est beau, c'est le matin..

Dimanche soir, je me sentais anéanti, L'accueil si chaleureux de Genevieve et Raymond m'a permis de tenir jusqu'au lendemain. Je crois que ce sont ces souvenirs de rencontres et de chaleur qui rythment le chemin. Merci...


Les soirs d'été, à l'heure ou les enfants, neveus et cousins descendent à la baignade, lorsque, lassé d'avoir travaillé dans la maison, je saute sur mon vélo pour me détendre, c'est toujours aux "4 VIOS" que je monte, 6 à 700 mètres d'ascension, séche mais franche, juste de quoi apprécier, aprés, la fin de journée au jardin, un verre de Viognier à la main, lorsque le soleil disparait derrière Mezilhac.
Je voulais partir par cette route, comme si cette connivence allait adoucir la rupture. Je n'avais pas mesuré que le vélo, comme un ane mort allait rendre la montée interminable. Entre 18 et 20 km/h, ce sont les bornes qui rythment, allègres, la progression, à 10, il faut accrocher le regard à chaque arbre pour se haler dessus et d'arbre en arbre, se hisser au sommet; lorsque le compteur descend à 6 parce que tout est désespérement trop lourd, ce sont les battements du coeur qui comptent tous les graviers du chemin.
Et puis, parcequ'il en est toujours ainsi, le sommet franchi, toutes les souffrances disparurent immédiatement, laissant toutefois intacte la boule de fiel qui ne m'a pas quitté depuis hier soir. On dit de Jacques Brel qu'il vomissait avant de monter en scène, je sais maintenant ce que cela veut dire.
Alors "La Fayolle", alors Privas, alors le Rhone, mon pays mauve dans le sillage, pour quels autres paysages?