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AUTOPSIS : Voir par soi-même, est d’abord une discipline de la mémoire : Se souvenir de tout pour en oublier la plus grande part, oublier les dogmes et les vérités indiscutables, oublier encore leur corollaires les plus pernicieux : les conventions écrasantes, les idées préconcues, les certitudes jamais vérifiées; oublier surtout que c’est impossible afin de se mettre en chemin et se gorger d’images comme autant de grains de pollen, insignifiants en apparence, mais constitutifs des plus belles histoires que nos petits-enfants s’efforceront d’oublier. Alors, à leur tour, ils iront voir par eux-mêmes et découvriront que voir, c’est faire exister.

lundi, avril 17, 2006

Dimanche de Paques,
A gauche de la route, une ruine. La carcasse, en pierres, de la maison semble intacte mais plus de toit, plus de porte, plus de fenetres, un incendie je suppose, voila deja plusieurs annees car des arbres ont commence a pousser a l'interieur.
A la troisieme maison dans le meme etat sur quelques centaines de metres, j'ai ete intrigue; a la dixieme, de construction plus recente dont la facade avait, en plus, ete criblee de balles, je compris que j'avais definitivement quitte les eaux emeraude de l'Adriatique.
Depuis le matin, une route cotiere un peu deprimante, temps gris, crachin, voitures, voitures, voitures et rien ni personne en dehors de ce defile incessant. Si c'est un aboutissement, pour le voyageur d'arriver a la cote, c'est, toujours, un soulagement de la quitter: ce n'est jamais un vrai pays!
C'est pour tout cela que j'avais oblique a Senj pour une belle ascension de 16 kms afin de passer le col de Krazjnic. Belle route, trainees de brume qui semblent s'accrocher dans les taillis que les rameaux de l'annee colorent de brun, de pourpre et de violet, des touffes de primeveres et puis a mi-pente, une auberge, un the bien chaud a cote d'un poele qui ronronne tout doucement. Il ressemble a une grosse cafetiere sur trois pieds, sa peinture qui s'ecaille par endroits laisse apparaitre le beton dont il est fait.
J'ai profite, un instant, du ciel qui s'etait eclairci, je fredonnais cet air idiot entendu a l'auberge et la guerre m'a pris. Je n'ai entendu, ni le bruit, ni la fureur, ni les larmes, j'ai vu les maisons brulees. Dans ce qui avait ete le garage de celle-ci, la carcasse d'une voiture et puis des equerres qui pendent encore au mur; elles avaient soutenu des etageres, mais maintenant...
Pendant des kilometres, des ruines et puis cette terre labouree pleine de promesses, et puis ces cerisierrs en fleurs, et puis cette autoroute qui sort, magnifique et insolente, de la montagne qui domine tout et a donc tout vu. Et puis ce panneau "Ecole", la guerre est donc bien finie; a 50 ans, je viens de la decouvrir.
A cote de chaque ruine, on a reconstruit des logements neufs en moellons de brique creuse, on n'a cherche, ni a finir ces maisons qui ne sont ni peintes, ni crepies, ni a faire dsiparaitrre les anciennes auxquelles elles sont flanquees.
Quel age avais-tu, Morgane, quand ces maisons ont ete mitrailles? tu etais deja nee, je pense. Qui etais-tu, ma fille, mon lapin quqnd ces greniers ont brule? cette petite fille espiegle, sur la scene de son gala de danse? Tout cela semble si proche..
Je ne ferai pas de photos de ces maisons, pas plus que des facades mitaillees d'Otocac ou je me suis arrete. Des images de guerre, j'en avais vu mille; aucune ne m'avait fait comprendre cela.