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AUTOPSIS : Voir par soi-même, est d’abord une discipline de la mémoire : Se souvenir de tout pour en oublier la plus grande part, oublier les dogmes et les vérités indiscutables, oublier encore leur corollaires les plus pernicieux : les conventions écrasantes, les idées préconcues, les certitudes jamais vérifiées; oublier surtout que c’est impossible afin de se mettre en chemin et se gorger d’images comme autant de grains de pollen, insignifiants en apparence, mais constitutifs des plus belles histoires que nos petits-enfants s’efforceront d’oublier. Alors, à leur tour, ils iront voir par eux-mêmes et découvriront que voir, c’est faire exister.

dimanche, juin 25, 2006

Au depart de Samarqand, une grosse centaine de kilometres dans la gigantesque plaine de galets ou le "Zarafshon" se prelasse au soleil. Passe la frontiere avec la Tajikistan, la treizieme, la vallee se resserre imperceptiblement, les eaux opaques et grises sinuent toujours d'un bord a l'autre en une multitude de bras qui se separent pour se rassembler, mais un peu plus vite. Brusquement, la vallee devient un corridor, la belle route, un tapis de cailloux, de sable et de fondieres qui peine a trouver sa place a cote du fleuve devenu torrent impetueux. Quelques ponts suspendus branlants l'aident, ils n'impressionnent pas les vieux camions de l'armee sovietique qui m'accompagneront, toussant, fumant, puant tout au long de l'etape. lorsque ce flot sombre rencontre un affluent descendant de la montagne maintenant bien proche, les courants qui se melangent dessinent des volutes de tissu "cachemire" dans des teintes grises et vertes.
Le chemin d'approche peut alors commencer, il m'amenera au soir du troisieme jour a passer la nuit dans l'auberge d'un minuscule village, une seule piece, cuisine, etable, garde-manger et chambre a coucher. J'ai beaucoup insiste pour dormir dehors, mais j'etais l'hote de marque, invite, donc, sur le bas-flanc ou nous etions quatre dans des remugles de vieille viande, de lait caille et de peaux de biques suspendues a secher. Le bouillon gras du soir, au mouton avec des petits raviolis et une ecuelle de kefir me parut delicieux en revanche, au reveil a cinq heures, les galettes faites de la graisse du bouillon froide, sechee, durcie et boucanee me parut insupportable. Je mangeais le pain sec, meurtri de ne pas pouvoir tenir ma promesse de ne jamais refuser de la nourriture genereusement offerte.
6 heures, matin du quatrieme jour, je suis au pied du col, le chemin est large- il faut bien faire passer les camions et les Volga croulant sous la charge- mais trop defonce, la pente trop forte, je mets pied a terre et commence a pousser mon velo. A 11h40, je serai au sommet du Kotali Anzab, 3373 m, j'aurai parcouru vingt kilometres, au depart dans la poussiere, vers la fin, entre les congeres, au sommet, balaye par un vent glacial. Un panorama sublime de sommets enneiges au premier plan puis derriere, loin derriere, tres loin, tres haut, serait-ce l'hindu kush??
Je ne sais pas decrire le bonheur du sommet, un melange serein de fatigue et d'accomplissement...
Vers 17h00, un peu las de la descente, je m'allongerai au bord de la route, pour revasser aux merveilles decouvertes aux cours de ces derniers mois, a toutes ces felicites recues, a ces hommes et a ces femmes qui font d'Autopsis, une aventure humaine que je ne soupconnais pas. Je voulais voir par moi-meme, j'ai vu mes freres, j'aimerais pouvoir leur dire avec fierte: Je suis de vous.
Allons, continuons de rever, de vagabonder dans le ciel qui s'assombrit, les derniers kilometres pour Dushanbe attendront bien demain, la longue montee vers le Kirgizistan, Sari-tash et la Chine, quelques jours encore.