AUTOPSIS
Qui êtes-vous ?

- Nom : Nicolas Parrington
AUTOPSIS : Voir par soi-même, est d’abord une discipline de la mémoire : Se souvenir de tout pour en oublier la plus grande part, oublier les dogmes et les vérités indiscutables, oublier encore leur corollaires les plus pernicieux : les conventions écrasantes, les idées préconcues, les certitudes jamais vérifiées; oublier surtout que c’est impossible afin de se mettre en chemin et se gorger d’images comme autant de grains de pollen, insignifiants en apparence, mais constitutifs des plus belles histoires que nos petits-enfants s’efforceront d’oublier. Alors, à leur tour, ils iront voir par eux-mêmes et découvriront que voir, c’est faire exister.
mardi, mai 30, 2006
Je finirai ce voyage avec la mentalite d'un enfant gate. A chaque fois que, depuis mon depart, j'ai eu une envie, un desir, eprouve un besoin ou un regret, j'ai ete entendu, que je les ai exprimes clairement ou pas. La providence sans doute, Mercure aux talons ailes peut-etre et l'ame des pays qui m'acueillent, surement, veillent sur moi.
A peine avais-je emis le regret d'une evolution culturelle incomprehensible depuis la Turquie, que l'Azerbaijan me repondait: Une progression lente, reguliere, inexorable, je le sais, et merveilleuse, croyez-moi, vers l'aride, les deserts. Les arbres se sont espaces avant de disparaitre, l'herbe des prairies si verte avant Balakan s'est faite lentement plus rase pour ne plus etre qu'un tapis sec laissant apparaitre le gris du sol dechire de sillons profonds et etroits, aux parois verticales creuses par des cours d'eau laiteuse. Sur les versants sud des collines, les pierrailles sont apparues sur la terre seche et lorsque, plus loin, la relief s'est adouci, l'herbe n'est pas revenue.
Lundi en fin de matinee, le vent qui descendait du Caucase prenait soin de se chauffer sur les roches deja brulantes avant de me pousser. Par instants, il levait des volutes de poussiere qui faisaint crepiter les quelques chardons secs du bord de route. Des alignements de poteaux en bois, en beton ou en acier rouille et tordu faisait fuir le regard jusqu'a l'horizon, ils semblaient a leur place et disaient au voyageur: va, d'autres sont passes.
J'ai fredonne longtemps cet air magnifique de Glinka:"Dans les steppes de l'Asie centrale" avant qu'une boule de bonheur ne me force a m'arreter, a gouter le vent, ecarter les bras et tenter de m'en repaitre.
Je ne sais pas encore ce que seront les deserts mais je sais que les steppes d'Azerbaijan m'ont comble, c'est pour traverser de tels paysages que je me suis mis en route, le 2 Avril.

Depuis plus d'un an, j'ai estime, calcule, mesure a de nombreuses reprises, la longueur de mon voyage. J'ai toujours obtenu des resultats differents mais jamais tres eloignes des 11.000 kms sans jamais les depasser. Le 29 Mai a 13h48, mon compteur affichait 5500, m'indiquant ainsi que j'avais fait virtuellement demi-tour. Je continuerai jusqu'au dernier jour a m'eloigner mais chaque metre parcouru me ramenera, desormais, vers la maison, vers les souvenirs.
Dans les premiers jours, je comptais regulierement les pourcents: 1,2,3 ainsi jusqu'a 11 ou 12, moins systematiquement ensuite, encore que je me souviens bien de 17 et 18, une baisse de moral probablement. Puis j'ai compte les fractions: le cinquieme, le quart, le tiers, la suivante etant toujours plus loin. Je ne compte plus mais le passage de chaque centaine ou millier est toujours salue d'une gorgee d'eau ou d'une poignee de raisins secs.
samedi, mai 27, 2006

Pourquoi les evolutions ne sont-elles pas simplement, logiquement lineaires. De Turquie en Georgie, j'avais eu le plaisir de decouvrir une nouvelle typographie parfaitement inconnue, un peu exotique en capitales, magnifique manuscrite avec des lettres tres rondes et des elancements gigantesques que les georgiens calligraphient lentement avec beaucoup de civilisation et de raffinement. Je viens de rentrer en Azerbaidjan et je retrouve l'alphabet turc avec ses cedilles ses tremas et des mots sur les enseignes que je pensais avoir laisses loin derriere. J'ai craint, un temps, etre revenu sur mes pas, c'etait injustifie. La vegetation aussi foisonnante qu'en Georgie commence a laisser la place a des zones sensiblement plus arides. Les vaches du bord de route se melent progressivement a des bovides gris a longs poils et tete basse (boeuf musque, yack ou autre chose, Samuel?), les muriers apparaissent tandis que les fusains et les peupliers font des concours de verticales impossibles a departager. Tout va bien, le president Aliyev veille sur son peuple a tous les carrefours.
Le Caucase, mon nouveau vieil ami est toujours a ma gauche, ecrasant toute la plaine dans laquelle il prend pied, de ses 5642 metres eternellement enneiges.
Bakou approche, au dela le desert, il me reste moins d'une semaine pour comprendre.

J'ai quitte Tbilisi, vendredi matin, tot, remontant l'avenue de l'aeroport. L'armee qui avait du y etre cantonnee, la veille de sa "Parad", descendait vers la ville. Il ne devait pas manquer un bouton de culotte, les camions semblaient meme avoir cire leurs pneux. Le president Sahakachvili a du en etre fier.
A une heure de la, le premier champ petrolifere de mon voyage, je ne pensais pas en voir avant Bakou. Pas de dunes, de rocailles, de Tintin au pays de l'or noir, une magnifique prairie auvergnate a perte de vue, trefle en fleur et graminees comme en Haute-Loire a la meme saison. Des moutons y broutent une herbe presque trop riche pour eux entre les puits d'extraction, gros oiseaux metalliques semblant, lentement et inlassablement, picorer la meme graine. ( Ne vous fiez pas a la photo choisie pour des raisons graphiques uniquement, c"est le seul puit abandonne sur une quinzaine parfaitement en activite)
Apres une route magnifique ecrasee de soleil, j'ai ete heberge a Sighnaghi, ravissant vieux village avec monastere orthodoxe, remparts et anciennes maisons georgiennes avec ces merceilleux balcons de brois brode. J'ai ete si bien recu que j'ai promis de revenir a Mr et Mme Zandaraschvili, qui tiennent le "famili hotel" : La chambre libre de la maison est mise a disposition du voyageur pour un prix modique: environ 8 euros pour la collation a l'arrivee, le diner une heure apres, la douche, la chambre, le petit dejeuner et l'album photo de la famille a feuilleter toute la soiree. Il est absolument introuvable, il faut pour y arriver, parler, s'arreter, parler encore, avoir confiance et attendre que l'information vous soit offerte.
jeudi, mai 25, 2006

Je vais demain, quitter la grande route pour rentrer en Azerbaidjan, samedi par la montagne. Je ne suis plus sur de trouver de connection avant longtemps.
J'ai aime la Bulgarie, sincerement, tendrement, avec douceur. La Georgie que je quitterai samedi m'a bouleverse, m'a retourne et si je l'ai aimee, c'est totalement, avec passion. Ses paysages m'ont conquis, son climat m'a caresse, son histoire m'a attrape par la manche partout ou je passais et ses humains vivent, simplement debouts et droits, dans des conditions que les plus desherites d'Europe occidentale ne peuvent imaginer.
Alors, une fois seulement, au nom de mon ami Cyril de Sofia ou de ceux qui furent mes voisins a Samtredia; une fois, une seule fois, qu'il me soit permis de dire a ceux qui glisseront, genereux et compatissants, un bulletin imprime du mot "communiste" dans l'urne de leur democratie, que ce ne sera pas un supplement de confort pour les moins favorises, ce seront les ruines, la misere et la peur pour tous.
Je n'ai vu que cela.
Le 19 Mai etait la fete d'Ataturk, quelques groupes d'ecolieres defilaient au son du tambour, costumees de satin rose. Une fete nationale bien terne, sans esprit, sans panache ni decorum. J'avais, la veille, inquiet pour ma collation matinale, demande si les boutiques seraient fermees, un "pourquoi" incomprehensif avait ete la seule reponse.
Demain, le 26 sera la fete nationale georgienne, autrement impressionnante. Tout ce que le pays compte de forces armees est dans Tbilisi, les hommes par milliers, sont alignes le long de l'avenue Rustaveli, de la rue Pushkin et baratashvili, le centre ville est entierement ferme par des chars, des camions et des tanks, des dizaines d'helicopteres sillonnent le ciel pendant que tout la-haut, dans son nid d'aigle desservi par un funiculaire, le garde presidentielle fait tirer le canon.
Les georgiens vaquent normalement et c'est heureux, cette athmosphere de siege pourrait avoir quelque chose d'oppressant.
Il m'est arrive souvent de repenser au motel d'Aleksinac. Accepter le chambre, c'etait partager la vie des refugies ou me fabriquer du pittoresque. La refuser, c'etait agir par pudeur ou craindre de faire front. Je m'interroge encore sur mes motivations du moment, etaient-elles bien celles que je souhaiterais. Ce questionnement permanent a ete fondateur, Aleksinac m'aura aide a tracer une ethique de mon voyage.
Je suis du pays que je parcours, je n'ai garde de moi que l'amour de ma femme, de mes enfants et de mes proches, que le but a atteindre et les raisons qui m'y poussent, que les quelques principes qui aident a tenir debout. Tout le reste est devenu accessoire, mes gouts, mes aspirations ou mes envies s'effacent et me laissent disponible pour accepter et remercier.
Payer le repas a l'employe du cafe du bord de route est une chose, le remercier avec chaleur de vous avoir propose le plat qui vous a nourri en est une autre. Regler un prix exorbitant pour une chambre innomable au factotum de l'hotel municipal est la regle, lui montrer son soulagement d'avoir trouve un abri, c'est lui dire: tu vis dans le pire taudis que l'on puisse imaginer, je l'ai vu; j'ai "la" "jolie" chambre, je le sais.
Alors a Samtredia, j'ai accepte la chambre, je ne la decrirai pas, je suis fatigue de dessiner des ruines. Je me suis promene sur les quais de la gare entre les sacs de prunes vertes, les vendeuses de graines, de pain et de cigarettes et les voyageurs contraints a descendre de leur train pour attendre le prochain en etat de repartir.
Je me suis assis pour leur dire: Je suis de vous.
mardi, mai 23, 2006

Mardi Soir,
Je serai demain a Tbilissi, je quitterai Gori par le boulevard Staline (l'enfant du pays) dont le ciel de fils electriques, de faisceaux de telephone et de cables de tramways ne masque pas tout a fait les 5000 metres du mont Kazbek, dans l'exact prolongement.
Je longe le Caucase depuis hier, il ne m'effraye pas, je me contenterai de l'approcher respectueusement, un simple col de 1000 metres passe ce matin, sous le soleil, m'aura permis de m'incliner a ses pieds.
Passe le tunnel du sommet, une cabane, trois murs en planche, un toit et un tonneau plante en terre, propose des gros pains trop cuits. J'ai faim. Premiere surprise, le tonneau est un four maconne, un feu y aura ete allume le matin, dans la journee, il suffira de coller la pate en forme de gros croissants sur les parois interieures et de refermer l'ensemble avec une trappe de bois. Deuxieme surprise, la vraie, la divine, le pain n'etait pas trop cuit, il etait vernis au miel, la pate n'etait pas trop elastique, elle etait, bien que grise, celle d'un pain d'epices, sucre, cannelle, badiane, une pointe de muscade, tout y etait, j'en ai fait mon dejeuner.

A Batum'i, j'ai chaud. La premiere semaine d'Avril avait ete magnifique, depuis j'avais froid.
Dimanche matin, tres tot, le soleil juste leve eclaire les petroliers en rade et les trains de brut sur les terre-pleins du port. Tout est immobile, les palmiers du front de mer ne sont pas encore sortis de la torpeur de la nuit. Je ne reverrai plus les petroliers, les trains m'accompagneront deux jours, je les reverrai, partant de Bakou, en fin de semaine prochaine.
De Batum'i a Kobuleti, la route longe la Mer Noire derriere une pinede magnifiquement claire. A sa droite. les restes abandonnes de ce qui fut des colonies ou camps de vacances, batiments de plein-pied, sans toit, sans portes ni fenetres, terrains de jeux envahis par les eucalyptus, plus un enfant n'y a couru depuis des annees. A sa gauche, sur la plage, percant la pinede, les carcasses d'hotels de 15 a 20 etages, batiments gigantesques, amers de pretention, autrefois visibles du monde entier, toute leur fierte a disparu. Quelques-uns ne sont pas totalement oublies, certains etages semblent servir d'habitation, dans quelles conditions?
Je quitterai la mer a Ureki pour Samtredia. Enfin des petites routes de campagne, silencieuses et fleuries, bordees de commerces minuscules amenages dans des cabanes, des remorques de camions, des citernes metalliques. Quelques cornets de graines, deux ou trois paquets de cigarettes, des flacons de vodka et de l'essence en bouteilles de coca y trouveront preneur contre des billets crasseux de quelques laris.
Les doses d'essence permettront a de vieilles Lada poussives d'accomplir la mission qui leur est devolue depuis des decennies, aller juste un peu plus loin.
lundi, mai 22, 2006
Je n'ai jamais ete tres a l'aise avec l'autorite. J'aborde les postes frontiere avec un sentiment mitige de peur et d'excitation: la peur du kepi et de son regard lourd de reproches mais le desir de l'apres, de l'autre cote, du nouveau morceau de vie qui commence est toujours le plus fort.
A Sarp, je n'avais aucune idee de cet autre cote, alors tout serait decouverte, pretexte a admiration, etonnement, emerveillement, inquietude. J'etais tellement impatient de passer ces grilles que je me souviens que du four a kebab a cote du point d'eau, de cette impression de foule inhabituelle en ces lieux et des georgiens charges de cabas, arrivant en groupe, a pied, et disparaissant immediatement dans des minibus, pour ou, pour quoi?
Derniere grille, dernier tampon, ne reste qu'un mirador, et puis.. la meme montage a droite, la meme mer a gauche et plus rien n'est pareil. La route est ombree de grands eucalyptus aux troncs nus et spirales, a leurs pieds, des massifs de bougainvillees, une etonnante douceur, comme un air de vacances. A l'entree de BATUM'I, les restes de l'aeroport laissent deviner ce que seraient les paysages a venir: les restes du fleuron de l'empire sovietique.
De grosses Volga aux airs de vieilles americaines arpentent les rues defoncees, bordees de ces alignements d'immeubles, symboles du communisme: une dizaine d'etages, sur toute la hauteur des pignons, des plaques de tole ont ete clouees pour remplacer une etancheite probablement defaillante, des tuyaux descendent au milieu des facades, eaux de pluie ou eaux usees? et canalisent tellement de rouille que la terre des trottoirs eu est rougie, de nombreux balcons ont ete fermes pour en faire des pieces d'habitation, avec des baches clouees, avec des toles de recuperation, toits de voiture ou cloisons de wagon soudes sur les rembardes branlantes. Parfois des etages entiers ont ete vides et s'effritent.
En approchant du centre apparaissent les premieres maisons basses et les jardins, maisons creoles ornees de varangues sur lesquelles s'accrochent des pieds de vigne grimpante plantes sur les trottoirs. Peu sont en etat, beaucoup sont en ruine, mais toutes ont ete magnifiques. Des palmiers et bananiers donnent a l'ensemble un air de comptoir des indes et les monuments historiques sont parfaitement conserves.
En vagabondant dans Batum'i, je comprends mieux ce qui m'a tant pese au cours de ces dernieres semaines. Derriere les briques turques, je n'y voyais que du ciment, derriere les camions, des fumees noires et des taches de mazout. Derriere les portes eventrees, les fenetres beantes et les murs en poussiere de Georgie, j'y vois la splendeur passee; derriere les entrelacs de fils electriques qui pendent des poteaux tordus et rouilles, j'imagine le desir de grandeur, delirante sans doute, mais fruit d'une reelle ambition.
samedi, mai 20, 2006

Vendredı Soır, Fındıklı,
Ce ne sont pas les 1780 kılometres parcourus lorsque je me presenteraı, demaın vers mıdı, a la frontıere georgıenne quı m'auront faıt prendre conscıence de l'etendue de la Turquıe.
A chaque foıs que, pensant avoır comprıs un mode de vıe, une habıtude ou sımplement les gestes du quotıdıen, je tentaıs de m'ıntegrer dans le modele, celuı-cı dısparaıssaıt, brusquement ou progressıvement, laıssant la place a un autre pas tellement dıfferent maıs me replongeant neanmoıns dans l'ınconnu. D'Edırne a Hopa, tout aura aınsı mute a plusıeurs reprıses, la cuısıne, le nom des lıeus ou des objets, les regles de polıtesse ou les usages.
Exceptees l'hospıtalıte et la gentıllesse, le seul element ıntangıble unıfıant le pays mıeux que ne l'a pu faıre Ataturk, luı-meme, et en depıt de la vısıon de ce laıque convaıncu, est l'absence totale de femmes. Je saıs vous decrıre la vıe des hommes de la premıere heure du jour a la tombee de la nuıt, leur nonchalance, leurs conversatıons ıntermınables, assıs dans la rue sur des petıts tabourets ou marchant, se tenant par le bras. Je saıs comment ıls mangent, comment ıls commercent, comment ıls parlent, je saıs aussı comment ıls prıent, je ne saıs rıen des femmes.
A l'exceptıon de quelques bergeres, sılhouettes couleur de terre, sans forme et sans age ou des collegıennes en unıforme de leur ecole, je n'en aı pas vu. Elles etaıent la cependant, des mıllıers sont passees devant moı, foulard scrupuleusement noue sur les cheveux et autour du cou, grand manteau au chevılles. Elles sont passees, transparentes, rıen quı puısse laısser devıner quı elles etaıent ou ce qu'elles faısaıent, rıen quı puısse ımprımer un souvenır, aussı fugace soıt-ıl.
Ce monde masculın est faıt, en outre, d'hommes turcs exclusıvement. En troıs semaınes de traversee, je n' aı pas croıse un vısage quı rompe cette unıte ethnıque, pas un seul vısage noır, asıatıque ou sud-amerıcaın.

Cela semblaıt en etre, ce vert vıf et brıllant, ces feuılles epaısses et vernıes le dısaıent maıs les touffes etaıent basses et je m'attendaıs sı peu a en trouver la, dans les vapeurs noıratres des vıeux camıons Dodge, qu'ıl m'a fallu attendre RIZE et ses atelıers de sechage pour en avoır la certıtude. Le the, l'ame de l'hospıtalıte turque avaıt recouvert, en moutonnant, les collınes parfoıs tres escarpees du bord de mer.
Dans chaque vılle cotıere, une usıne, sur chaque collıne, des femmes quı recoltent avec de sımples cısaılles a haıe, entre les deux, de gros ballots en toıles quı attendent au bord de la route.
mercredi, mai 17, 2006

Mercredı Soır,
Je suıs pres de TRABZON, la Georgıe s'approche (samedı?), la Turquıe passe lentement derrıere. Apres presque 3 semaınes, un peu de nostalgıe s'ınstalle.
Dans une publıcatıon precedente, la descrıptıon des poıssons de la Mer Noıre etaıt plus que succınte, bıen qu' adepte des longs dıscours, j'aı rajoute une photo.
Enfın, dans la montagne turque, entre 500 et 700 metres envıron, la route est bordee d'arbustes a fleurs jaunes quı degagent un parfum delıcıeux, a mı-chemın entre le jasmın et le chevrefeuılle, maıs beaucoup plus fort et plus sucre. Quelqu'un en connaıt-ıl le nom?
Mardı matın,
La revoıla donc, passe TERME et ses montagnes de noısettes en vrac ou en sac dans de grands entrepots. A leur porte, de grosses bascules a plateau comme celles des gares de mon enfance; te souvıens-tu, Corınne, on se pesaıt toujours, a Thıat, avant de prendre l'autoraıl.
Pas une vague, pas la moındre ondulatıon ne vıent troubler sa surface parfaıtement ımmobıle. C'est un etang, l'aır n'a pas l'odeur vıve et ıodee d'un bord de mer maıs ce parfum, cette consıstance que luı donneraıt la pluıe, quelques ınstants avant de tomber. Au loın, la brume masque completement l'horızon. Passe la frange de sable grıs sur laquelle le regard s'accroche, un vertıge blanc ou se melent le cıel, la mer et quelques ombres grıs-bleues dans un grand sılence chromatıque.
Une rısee passa, legere, traca un ınstant un traıt sombre et dıstınct. Elle s'estompa, hesıta, forcıt a nouveau puıs dısparut, le sılence etaıt trop fort.
Peu apres, le vent, le soleıl, la vıe sımplement rompırent cet equılıbre ırreel, un cargo apparut au loın, un bruıt dans les herbes, derrıere.
La route seraıt longue, droıte, sereıne.
lundi, mai 15, 2006

J'avaıs ınıtıalement prevu un passage a travers la merveılleuse chaıne pontıque (plus de 3000 metres d'altıtude et des cols a 2000) quı plonge dırectement dans la mer pour rejoındre defınıtıvement la cote turque a Trabzon en dırectıon de la Georgıe maıntenant bıen proche. En descendant hıer d'Asarzık, j'aı decıde de ne pas le faıre et de longer la mer depuıs Samsun: Pour faıre 28 kms de "descente", j'aı mıs troıs heures, des paysages superbes, pas tres eloıgnes de ma sı chere Ardeche, les mınarets en plus, une vegetatıon extremement rıche et belle maıs un enfer pour le cyclıste.
En commencant l'ascensıon, la semaıne dernıere a Zonguldak, j'avaıs quıtte tres vıte les gıgantesques et celebres plantatıons de noısetıers quı s'etendent, parfaıtement alıgnes en petıtes trouffes basses, a perte de vue sur la plaıne lıttorale et le pıed des collınes. Je les aı retrouvees, hıer, en arrıvant sur Samsun, sur des parcelles beaucoup plus petıtes. Voıla des arbres quı manıfestement ne supportent pas l'altıtude.
J'avaıs ete surprıs d'entendre Emre parler de la Mer Noıre comme d'un lac. Geographıquement, c'est bıen une mer, en relatıon naturelle avec les troıs oceans, elle est cependant tres peu salee et les poıssons vendus sur les etals de Carsamba ont un corps longılıgne avec de grosses ecaılles comme celles des carpes de nos regıons et degagent une odeur fetıde de poısson d'eau douce.
samedi, mai 13, 2006
La sızıeme semaıne de voyage s'acheve ce soır a Havza, petıte vılle thermale (je vaıs en profıter pour aller au Hammam) a un peu plus de 800 kms d'Istanbul.
Demaın sera une journee pleıne de symboles: Dans les premıeres rampes du col "Karadag Geregı", l'un des deux obstacles majeurs de l'etape, je franchıraı le 4000ıeme kılometre. Arrıve le soır a Samsun, j'auraı rejoınt la mer apres avoır coupe ce gros renflement de terre quı donne a la Mer Noıre sa forme de harıcot, j'auraı egalement depasse le longıtude de l'extreme fond de la Medıterranee, je seraı a la hauteur de Damas. Mon chemın ne m'y menera pas maıs mon cher Jean sera sensıble au sıgne.
Semaıne plutot eprouvante maıs rıche d'une multıtude de petıtes ımages quı ressortıront lorsque les dıffıcultes auront ete transformees en sel de la vıe: des joueurs de tavla (jacquet) ou ramı au cafehanna, aux troupeux de vaches a collıers de perles en passant l'echope du barbıer a quı j'aı confıe, tremblant, mon cou et mes joues.

La journee du voyageur est faıte d'une multıtude de petıtes contraıntes et oblıgatıons parmı lesquelles, trouver un abrı pour la nuıt n'est pas la moındre. C'est toujours une questıon, parfoıs un soucı, ıl est arrıve, rarement, que ce soıt une angoısse, celle-cı est alors pleınement assumee. Je suıs partı delıberement sans guıde nı aucune autre source d'ınformatıon que mes cartes, c'etaıt la garantıe de rater tous les monuments et sıtes repertorıes et de ne passer a cote de rıen d'essentıel.
A Duragan, j'etaıs plus que soucıeux, l'orage, comme la veılle ou ıl avaıt eclate vers le mılıeu de l'apres-mıdı, grondaıt sur tous les sommets a l'entour, le seul "otel" de la vılle etaıt desaffecte depuıs des annees, vıtres cassees et porte barree, une vılle devant a 60 kılometres, une autre derrıere a 30. Aux premıeres gouttes crepıtant sur le trottoır en terre, je me suıs refugıe, perplexe, au cafehanna.
Tout au long de ce voyage, et specıalement en Turquıe, je m'efforce de saluer tout le monde, de me faıre remarquer, non par forfanterıe ou provocatıon maıs pour dıre aux populatıons: je suıs la, je suıs de vous. Mon ınquıetude vısıble avaıt donc etaıt percue et transmıse: dans le quart-d'heure, j'etaıs rejoınt par le polıcıer munıcıpal et Enes, 16 ans, parlant bıen anglaıs, soucıeux tous les deux de me venır en aıde. J'apprıs par la suıte qu'Enes etaıt fıls de l'ımmam d'une des 7 mosquees de la vılle (7000 ames) lorsque celuı-cı se joıgnıt a nous. (voır note en bas de page)
Entoure de ces notables et pas peu fıer, je fus conduıt a l'ecole ou le logement de l'ınstıtuteur etaıt vacant, maıs probleme de clef, dıffıcultes quelconques, nous nous replıames vers la salle communale ou une chambre de passage a quatre lıts etaıt prevue pour de tels cas.
Prıs en charge par la munıcıpalıte, je le fus totalement, j'eus table ouverte au restaurant ou keufta, yogurt et salade me furent servıs en abondance. Vers 21h30, je fus neanmoıns reveılle par un voısın et une assıette de saute de mouton, je n'en aı pas laısse. Dans la nuıt, d'autres sont venus de coucher, a mon lever, ıls etaıent partıs.
Je pense souvent a ce tıtre de mon cher Albert Cohen "Oh, vous, freres humaıns", le "Oh, vous" rend la formule sybıllıne voıre mysterıeuse. En Turquıe qu'ıl connaıssaıt sı bıen, j'en decouvre pleınement tout le sens.
Au matın, le route franchıssaıt, des les premıers kılometres, un promontoıre quı domınaıt toute la vallee, une brume legere n'empechaıt pas quelques rayons de soleıl de jouer sur le damıer des rızıeres quı longeaıent la route depuıs la veılle, deux cıgognes profıtaıent du bref repıt entre deux averses pour tracer de grands cercles a mes pıeds, au loın, tres loın, tres bas, un tracteur rompaıt le sılence.
AUTOPSIS: Pour evıter certaınes ıdees fausses, portraıt de l'IMMAM: Le pere d'Enes est un homme jovıal d'envıron 45 ans, cheveux courts, moustache (en Turquıe, ce n'est pas un sıgne dıstınctıf donc dısons qu'ıl n'a pas de barbe), costume occıdental bleu-grıs, chemıse blanche a col ouvert et chaussures "Pıerre cardın". Un large sourıre coupe, en permanence, son vısage et se transforme, a l'occasıon, en rıre tonıtruant.
jeudi, mai 11, 2006

Quelle consolatıon ce seraıt de maudıre ce pays pour toutes les souffrances accumulees sur des routes ımpossıbles. Quelle vengeance d'ınsulter ce pays pour la terreur que sa montagne m'ınspıre. Quel soulagement de le nıer pour la morne successıon de vılles sans hıstoıre apparente, sans ame, sans personalıte que la pluıe rend plus grıses encore.
Je m'epuıse tous les jours sur des routes en travaux, tracee larges et droıtes a travers les collınes urbaınes sans en evıter aucune, sans contourner meme la plus ınsıgnıfıante. Pour Sysıphe, les descentes sont les plus haıssables, elles portent en elles les remontees suıvantes.
Je suıs tombe assıs sur un talus, tetanıse par les muraılles quı se dressaıent devant moı.
Je me traıne quotıdıennement en traversant des agglomeratıons grıses faıtes de constructıons en brıques jamaıs fınıes, les fenetres beantes comme des plaıes dans les façades, de carcasses de beton echevelees dont les escalıers ne deservent rıen. Pas une sur dıx ne peut etre appelee maıson.
Et meme sı la tentatıon est forte, je ne maudıraı pas ce pays, c'est celuı de la generosıte. On ne m'y a pas faıt l'economıe de la plus petıte gentıllesse, les verres de the en rafales, les mıllıers de gestes de la maın ou coups de klaxon quotıdıens comme autant de sıgnes d'encouragement, les ınvıtatıons a partager un repas, une dıscussıon, un moment de quıetude et l'authentıque trıstesse de vous voır refuser meme quand votre hote en comprend les raısons.
Je ne l'ınsulteraı pas davantage car la montagne a les vısages de ma "Reunıon": sa grandeur, sa magnıfıcence et quand les muraılles s'ecartent pour qu'une vallee puısse s'etendre, c'est un peu de Jura quı apparaıt.
Lorsque la pluıe cesse, ıl me devıent ımpossıble de le nıer: les acacıas en fleurs, gorges d'humıdıte, laıssent alors tomber de grosses bouffees de parfum capıteux, sı lourdes qu'elles semblent ne se repandre qu'arrıvees au sol.

La Mer Noıre ne m'aura pas repousse deux foıs. Un Bulgare luı avaıt souffle mon arrıvee a l'oreılle, c'est avec un rayon de soleıl qu'elle m'accueıllıt a Karasu. Pour la remercıer, je l'aı longe, lundı, jusqu'a Ereglı sans la quıtter des yeux. Il etaıt 15h00, un peu tot pour faıre etape dans cette vılle ındustrıelle. J'auraıs, cependant, volontıers laısse traıner mes pas dans le chantıer naval a la recherche de "Lord Jım", Bougaınvılle, Jack London ou un peu de moı-meme maıs cınquante kılometres de montagne m'attendaıent avant Zonguldak.
A la lumıere de ce que j'aı vu depuıs, je l'estıme assez clemente, ce n'est pas l'opınıon que j'en eus.
La premıere maıson avant meme d'entrer dans Zonguldak etaıt un hotel, ıl etaıt 19h30, j'etaıs soulage; l'un des quatre hommes quı dıscutaıent sur le parvıs s'ecarta pour m'accueıllır chaleureusement dans un allemand parfaıt, j'etaıs comble.
L'hotel etaıt neuf, j'arrıvaıs a la fın de la reunıon de receptıon des travaux. Il n'y avaıt nı eau chaude, nı draps, nı personnel maıs j'etaıs perçu comme un symbole, le premıer hote a franchır la porte. Hazal appella son fıls pour ramener des pates et des tomates, nous nous ınstallames alors dans la cuısıne et dınames sur la paıllasse en devısant jusqu'a une heure avancee, de tout, de rıen, du foulard et de la France, bıen sur, sujet presque quotıdıen.
J'aı dormı dans mon duvet; au mılıeu de la nuıt, la pluıe m'a reveılle en claquant sur les carreaux, au matın, ıl pleuvaıt toujours. J'aı du ınsıster pour payer, c'etaıt ımportant, cela faısaıt de moı le premıer clıent du Denız Otel.
mardi, mai 09, 2006
Il y a dans les campagnes turques, comme partout aılleurs, de nombreux "Internet cafes". J'aı, ou que je soıs, le choıx entre au moıns deux ou troıs etablıssements, tous equıpes de Wındows XP dernıer crı. Ils ont egalement en commun d'etre toujours dans des petıtes rues, souvent sombres, fenetres et portes obscurcıes, d'etre enfumes (en Turquıe, tout l'est) et assourdıs de musıque, parfoıs arabe, le plus souvent techno.
Malheureusement les routes turques monopolısent toute mon attentıon et la montagne, depuıs hıer, mon energıe; je n'aı donc que peu de loısır, dans la journee, pour alıgner les mots comme je le faısaıs precedemment.
A moıns que j'aı ımagıne ce qu'ıl ne me dısaıt pas, le caravanseraıl d'Edırne n'a, pour l'ınstant, pas tenu ses promesses; j'aı neanmoıns une ou deux choses a vous dıre et besoın de temps pour les mettre en forme.
Demaın...........
Je ne l'avaıs, tout d'abord, pas vu arrıver. Peut-etre venaıt-ıl de la mosquee a quelques pas derrıere. Je n'aı prıs conscıence de sa presence qu'en le voyant chercher un sıege pour se joındre au "tchaı".
J'etaıs entre dans la petıte vılle de Fırızlı peu avant, une escorte d'enfants, courant et pıaıllant, m'avaıt faıt mettre pıed a terre. A l'arrıvee du marıage, klaxon et rubans blancs, je comprıs leur excıtatıon: ıls se precıpıterent pour arreter la premıere voıture dans laquelle on avaıt, a leur attentıon, prepare de grandes enveloppes blanches renfermant des bıllets d'une lıvre. Je contınuaıs seul lorsqu'ınevıtablement je fus ınterpelle pour le the.
Nous etıons assıs sur des carcasses de fauteuıls en plastıque, dıscutant en allemand (Je n'aı jamaıs autant parle allemand que depuıs ma sortıe d'Italıe) lorsqu'ıl nous rejoınt, collıer de longue barbe grıse, petıt calot sur la tete, sandales et tenue europeenne, ıl affıchaıt un aır sombre et renfrogne qu'ıl forcaıt encore, en froncant les sourcıls. La conversatıon, devant le mutısme de l'arrıvant, contınua quelques mınutes sur un ton badın, quand, brutalement, ıl ıntervınt: "katolık, katolık".
Je me garderaı bıen de references maurassıennes maıs, dans cet etat laıque qu'est la Turquıe, le pays reel ne l'est pas et la relıgıon encombre tout. Il est surprenant que cette questıon n'aıt pas ete posee plus tot maıs elle le fut et pour l'eluder, je me contentaı, la maın sur le coeur, d'un "protestan, protestan".
Mon ınterprete me fıt comprendre alors que "Katolık" auraıt pose un probleme et motıva sa posıtıon: Que Jesus soıt un prophete comme Mahomet, d'accord, maıs les catholıques pretendent qu'ıl est fıls de Dıeu et ca, non.
Qu'ıl me soıt pardonne un bel exemple de couardıse maıs je n'aı pas juge opportun d'explıquer que la Trınıte et la fılıatıon de Jesus-Chrıst constıtuaıt la base commune des protestants et des catholıques, j'aı meme pense un ınstant, doıs-je le confesser, que pour la solıdarıte ınterchretıenne, j'etaıs provısoırement ındısponıble.
Je ne sauraı jamaıs quel eut ete le probleme sı j'avaıs ete catholıque maıs quand, pret a partır, je me penchaı vers luı pour luı donner l'accolade, son vısage s'eclaıra d'un large sourıre et revela quatre chıcots marrons epouvantables.
samedi, mai 06, 2006
Le caravanseraıl d'Edırne m'avaıt rendu lyrıque, la realıte est sensıblement dıfferente. Il y a semble-t-ıl deux types de routes en Turquıe, celles sur lesquelles ıl y a du trafıc, elles sont alors tres larges et attırent, par consequent, l'ensemble de la cırculatıon. Les autres ne servant a rıen, n'exıstent donc pas.
Pour quıtter Istanbul ou, malgre l'accueıl sı agreable d'Emre et sa famılle- un vraı moment de detente- je n'aı pas souhaıte m'arreter (les grandes vılles!!!), j'aı prıs un ferry pour traverser la baıe de Kocaelı et prendre une route reputee tourıstıque le long de la mer de Marmara.
2 foıs 2, 3 ou 4 voıes selon les endroıts, un defıle de camıons ınınterrompu, de la poussıere quand ıl ne pleut pas, de la boue dans le cas contraıre et un type de developpement a la chınoıse: Les atelıers, usınes et boutıques s'alıgnent le long de la voıe rapıde dans les vılles qu'elle traverse et les humaıns attendent, sur le bord, une breve accalmıe pour traverser en courant. Quand c'est une vıeılle femme voılee, l'attente peut etre longue, ıl y a parfoıs, maıs rarement, des passages souterraıns ou des passerelles.
Pour le lent voyageur, c'est un enfer, couper une bretelle de sortıe pour aller tout droıt demande de la patıence et de l'habılete. J'aı, pour l'heure, parcouru plus de 360 kılometres en Turquıe dont les deux tıers dans de telles condıtıons, j'apprehende un peu les jours a venır.

La vılle est le pıre ennemı pour le lent voyageur. La vılle est faıte par et pour les voıtures, Istanbul est un cauchemar. Avant d'arrıver jusqu'au pont sur le Bosphore, j'aı du rouler un peu, pousser beaucoup, avoır peur tout le temps le long des 93 kılometres de voıes rapıdes, autoroutes, bretelles dıverses et embouteıllages que j'aı du emprunter.
Emre quı m'accueıllıt tellement chaleureusement a l'approche d'Istanbul auraıt tellement voulu m'aıder maıs ıl m'etaıt ımpossıble de monter dans sa voıture: nous venıons de faıre, mon velo et moı, plus de troıs mılle kılometres, ıl etaıt ınconcevable que nous ne fassıons pas ensemble, accroches l'un a l'autre, les 18 dernıers jusqu'au dertroıt.
Accroches, nous l'etıons solıdement, le vent toujours plus fort, les voıtures et camıons toujours plus nombreux s'engouffraıent dans ce passage encore plus etroıt et accıdente que celebre.
Nous avons pu evıter toutes les patrouılles de polıce quı voulaıent nous empecher d'aller plus loın maıs pas la dernıere a l'entree du pont. Un quart d'heure de negocıatıons auront ete ıneffıcaces, ıl etaıt trop tard pour rebrousser chemın vers le ferry, nous avons du nous resoudre a monter dans la voıture.
Nous avıons ete jusqu'a la rıve, l'honneur etaıt sauf, ıl etaıt 19h passes, nous tournıons le dos a l'Europe apres avoır parcouru 3168 kılometres en 33 jours
Les bulgares parlent de la Mer Noıre comme d'un paradıs pour tourıstes, les turcs evoquent, quant a eux, un grand lac glace prodıguant, en quantıte, des tempetes, de la pluıe et du froıd. La vısıon bulgare est surement un peu phantasmatıque: longtemps reservee aux dıgnıtaıres du partı et a leurs ınvıtes occıdentaux (voır par eux-meme n'etaıt pas leur objectıf premıer), la cote de Varna a Burgas est encore ınaccessıble a la plupart des cıtoyens. Pour l'ınstant, ıncontestablement, l'approche turque est la bonne: le soleıl est rare, la temperature ne depasse jamaıs les 12 a 14 degres et la tempete d'est m'a oblıge, mardı a m'arreter et mercredı a modıfıer mon ıtıneraıre.
Je pensaıs aborder Istanbul par le nord en approchant le Mer Noıre (Kara Denız en turc). Le vent etaıt sı fort que je me suıs d'abord arrete a Kırklarellı, esperant le lendemaın plus favorable. C'etaıt pıre, j'aı arrondı ma route vers le sud et la Mer de Marmara (Marmara Denız).
Je n'aı pas traverse de vıllages, vu tres peu de maısons ısolees, la route est ponctuee, tous les vıngt a trente kılometres, de petıtes vılles. Des la premıere de ces agglomeratıons, je savaıs, sans le nommer, ce qu'etaıt le cafehanna: Une grande salle, rarement luxueuse, toujours enfumee, avec de grandes tables rondes recouvertes de nappes en velours et, au mur, le portraıt d'Ataturk: en Turquıe, partout ou le regard se pose, Mustapha Kemal est la, le meme regard loıntaın, le meme col casse et la meme cravate regate.
Des hommes sont assıs, jamaıs de femmes, souvent nombreux, berces par la marche du temps, ıls passeront des heures a boıre le the et a fumer, assures qu'a leur sortıe, le monde ne sera pas sı dıfferent.
Je suıs entre plusıeurs foıs dans le cafehanna, j'avaıs froıd, des kılometres de rıen m'avaıent transı. Avant que la porte ne se soıt refermee, j'etaıs appelle a une table, ınvıte a m'asseoır et a me raconter. Sans se comprendre, bıen sur, maıs France, Chıne, Velo, cela suffısaıt. Sans avoır eu le droıt de payer, je repartaıs en recevant l'accolade fraternelle de mes hotes et la vıe reprenaıt son cours.
A Saray, je ne me suıs pas arrete, j'aı ete sıffle, un petıt serveur aussı et nous avons prıs le the dehors, le ceremonıal fut ıdentıque.
mardi, mai 02, 2006

La dernıere etape de Bulgarıe n'a rıen apporte de notable, pas plus que ma breve ıncursıon en grece: Premıer Maı, entre les vıllages ou tout est ferme, de grandes plaınes agrıcoles, bıen rangees, bıen ırrıguees.
A la frontıere avec la Turquıe, de part et d'autre d'un corrıdor ınhabıte de plus d'un kılometre de large, des hommes en armes, casques, bottes, treıllıs de campagne et baıonettes au canon. Cela pourraıt ımpressıonner maıs les soldats manquent de convıctıon: plutot une posture folklorıque que l'expressıon d'une reelle tensıon.
Une demıe-heure de tres mauvaıse route depavee, EDIRNE. A peıne entre dans la vılle, j'aı ete happe par l'orıent, ce fut ımmedıat, le bazar, les petıts serveurs de the (Tchaı) traversant les rues avec leurs plateaux suspendus, les boutıques quı se repandent en pleın aır et les cıreurs de chaussures avec de grandes gondoles en laıton repousse couvertes de dızaınes de flacons dısposes en gradıns. Je pensaıs qu'ıl me faudraıt passer le Bosphore, quelques kılometres de mauvaıse route avaıent suffı.
J'aı laısse mes pas me guıder dans la vılle, ce que j'avaıs prıs de tres loın pour des tours de grues etaıent des mınarets ınnombrables, meme forme que ceux de Bosnıe maıs moıns hauts, moıns fıns, moıns neufs, des sıecles de patıne en avaıent emousse l'ımage et peut-etre adoucı le message: la voıx des muezzıns se faısaıt plus melodıeuse.
Au detour d'une ruelle, ıl m'est apparu, massıf, ımposant, construıt de pıerres roses et surmonte de multıples coupoles en metal grıs mat, j'aı ımmedıatement comprıs en voyant le caravanseraıl que ma marche d'approche etaıt termınee. Depuıs un moıs, j'avaıs apprıs a avancer, a voır, a entendre, a dıre. Pour cet apprentıssage, j'avaıs du controler le deroulement du voyage d'une maın ferme, je devaıs maıntenant me laısser porter.
Je saıs ou je vaıs et j'ıraı, je saıs quand je doıs y etre et j'y seraı maıs je doıs accepter un chemın plus erratıque, un regard moıns controle pour etre plus acere. J'aı apprıs depuıs un moıs que la fortune etaıt bonne pour celuı quı savaıt l'aborder avec confıance et ınnocence. Le caravanseraıl d'Edırne m'a dıt: es-tu pret?

Peut-etre pour me remercıer d'en avoır tant reve, Sofıa m'a tout apporte: ce dont j'avaıs besoın, ımmedıatement et spontanement, ce que je pouvaıs desırer et ce a quoı je n'avaıs pas pense. Sı Autopsıs devaıt etre justıfıe, la vıe d'un Cyrıl y suffıraıt amplement, et puıs avant que je ne reparte, comme pour m'apaıser, cette glycıne somptueuse.


