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AUTOPSIS : Voir par soi-même, est d’abord une discipline de la mémoire : Se souvenir de tout pour en oublier la plus grande part, oublier les dogmes et les vérités indiscutables, oublier encore leur corollaires les plus pernicieux : les conventions écrasantes, les idées préconcues, les certitudes jamais vérifiées; oublier surtout que c’est impossible afin de se mettre en chemin et se gorger d’images comme autant de grains de pollen, insignifiants en apparence, mais constitutifs des plus belles histoires que nos petits-enfants s’efforceront d’oublier. Alors, à leur tour, ils iront voir par eux-mêmes et découvriront que voir, c’est faire exister.

lundi, mai 22, 2006

Je n'ai jamais ete tres a l'aise avec l'autorite. J'aborde les postes frontiere avec un sentiment mitige de peur et d'excitation: la peur du kepi et de son regard lourd de reproches mais le desir de l'apres, de l'autre cote, du nouveau morceau de vie qui commence est toujours le plus fort.
A Sarp, je n'avais aucune idee de cet autre cote, alors tout serait decouverte, pretexte a admiration, etonnement, emerveillement, inquietude. J'etais tellement impatient de passer ces grilles que je me souviens que du four a kebab a cote du point d'eau, de cette impression de foule inhabituelle en ces lieux et des georgiens charges de cabas, arrivant en groupe, a pied, et disparaissant immediatement dans des minibus, pour ou, pour quoi?
Derniere grille, dernier tampon, ne reste qu'un mirador, et puis.. la meme montage a droite, la meme mer a gauche et plus rien n'est pareil. La route est ombree de grands eucalyptus aux troncs nus et spirales, a leurs pieds, des massifs de bougainvillees, une etonnante douceur, comme un air de vacances. A l'entree de BATUM'I, les restes de l'aeroport laissent deviner ce que seraient les paysages a venir: les restes du fleuron de l'empire sovietique.
De grosses Volga aux airs de vieilles americaines arpentent les rues defoncees, bordees de ces alignements d'immeubles, symboles du communisme: une dizaine d'etages, sur toute la hauteur des pignons, des plaques de tole ont ete clouees pour remplacer une etancheite probablement defaillante, des tuyaux descendent au milieu des facades, eaux de pluie ou eaux usees? et canalisent tellement de rouille que la terre des trottoirs eu est rougie, de nombreux balcons ont ete fermes pour en faire des pieces d'habitation, avec des baches clouees, avec des toles de recuperation, toits de voiture ou cloisons de wagon soudes sur les rembardes branlantes. Parfois des etages entiers ont ete vides et s'effritent.
En approchant du centre apparaissent les premieres maisons basses et les jardins, maisons creoles ornees de varangues sur lesquelles s'accrochent des pieds de vigne grimpante plantes sur les trottoirs. Peu sont en etat, beaucoup sont en ruine, mais toutes ont ete magnifiques. Des palmiers et bananiers donnent a l'ensemble un air de comptoir des indes et les monuments historiques sont parfaitement conserves.
En vagabondant dans Batum'i, je comprends mieux ce qui m'a tant pese au cours de ces dernieres semaines. Derriere les briques turques, je n'y voyais que du ciment, derriere les camions, des fumees noires et des taches de mazout. Derriere les portes eventrees, les fenetres beantes et les murs en poussiere de Georgie, j'y vois la splendeur passee; derriere les entrelacs de fils electriques qui pendent des poteaux tordus et rouilles, j'imagine le desir de grandeur, delirante sans doute, mais fruit d'une reelle ambition.