AUTOPSIS

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AUTOPSIS : Voir par soi-même, est d’abord une discipline de la mémoire : Se souvenir de tout pour en oublier la plus grande part, oublier les dogmes et les vérités indiscutables, oublier encore leur corollaires les plus pernicieux : les conventions écrasantes, les idées préconcues, les certitudes jamais vérifiées; oublier surtout que c’est impossible afin de se mettre en chemin et se gorger d’images comme autant de grains de pollen, insignifiants en apparence, mais constitutifs des plus belles histoires que nos petits-enfants s’efforceront d’oublier. Alors, à leur tour, ils iront voir par eux-mêmes et découvriront que voir, c’est faire exister.

lundi, juillet 10, 2006

Je souhaitais, avec cette derniere et longue etape, donner une jolie fin a Autopsis (N°1); ce fut le cas par bien des aspects.
Entre les postes-frontiere Tadjikes et Kirghizes, les douze kilometres de chemin accroches a la paroi dans un verrou rocheux a pres de 3000 metres, furent inoubliables. Je n'entendais plus le Kizil Suu gronder a mes pieds tant il etait loin.
La longue progression, reguliere et droite, pour passer, le souffle un peu court, le sommet d'Autopsis a plus de 3500 metres, fut reposante. Le Pic Lenine (7100 m) qui m'avait salue au petit matin, s'etait, a nouveau, dissimule sous sa couronne de nuages.
La journee entiere, sous une pluie glaciale, sans jamais quitter le sentier des yeux pour essayer de deviner les pierres au fond des flaques de boue, fut merveilleuse. Je me recitais inlassablement ce poeme d'Aragon "Bierstube magie allemande" qui ne cesse de me bouleverser: C'etait un temps epouvantable/ on avait mis les morts a table/ on faisait des chateaux de sable/ on prenait les loups pour des chiens......
Chacun de ces episodes, ainsi que d'autres plus amusants, douloureux ou emouvants, a fait l'objet d'un petit recit, je les publierai dans le cadre dun travail plus global. Je vais, rentre en Europe, reprendre l'ensemble des textes publies, les mettre en page, leur donner une coherence, les enrichir d'images et de reflexions passees par le filtre de la memoire. J'etofferai, a l'aide de mes brouillons, la derniere partie du voyage un peu plus faible et aurai, alors, pour vous remercier de votre soutien, le plaisir de vous adresser la version definitive dans quelques semaines (quelques mois????)
Alors si vous ne m'avez pas envoye votre adresse electronique, cliquez sur le lien mailto:nicolas.autopsis@hotmail.com et faites "envoyer", rien n'est plus simple.

Je n'ai jamais gagne une course de ma vie. Apres des heures d'efforts non comptes, la ligne d'arrivee, la-bas, au milieu du village ou le sommet du col visible derriere le dernier lacet me disent toujours: "Tu as fait ce que tu avais a faire". La route est plus belle que l'endroit ou elle mene, l'epreuve plus enrichissante que la victire.
Des les premiers tours de roues sur les chemins kirghizes, la Chine etait la, a l'horizon, je ne voyais qu'elle. J'ai alors musarde sur les pistes impossibles du Pamir , je ne distinguais pas toujours les sommets masques par des bourrasques de pluie et de neige mais je les savais là et cela suffisait a me rassasier.
Mais, parce que meme lentement, il convient de passer la ligne, je me suis presente, le Jeudi 6 juillet a 11h15 a la frontiere chinoise qui n'a ouvert que passe 15h00. La barriere fermee, qui m'avait ignore un long moment, a fini par me dire, alors degoulinante de la pluie qui s'etait remise a tomber, " Tu as fait ce que tu avais a faire". La route avait ete plus belle que l'endroit ou elle m'avait mene, le voyage infiniment plus enrichissant que son but desormais atteint: J'etais en Chine.
Jamais au cors de ces quatorze semaines, je n'avais doute, ne fut-ce qu'une seule seconde; l'issue etait donc simple et normale: J'etais en Chine.

Le lent voyageur, solitaire, n'est a l'abri de rien, ni des voitures, ni du vent, ni de la soif, ni du vide, il est nu et fragile. Il l'a voulu, ce sont ses deux plus belles qualites, sans elles, pas d'Autopsis, sans elles, le monde resterait distant et masqué. Il n'est donc a l'abri, ni des surprises, ni de la beaute, ni des sourires, ni du bonheur.
Mais cette nudite, cette fragilite finissent par peser, jamais un instant de vrai repos. Aux maux du corps s'ajoute une fatigue plus insidieuse, plus profonde: Le besoin de s'abandonner.
Quelques jours avant Dushanbe, j'ai donc decide, qu'une fois la Chine, objectif emblematique d'Autopsis atteint, je ne poursuivrai pas jusqu'au terme des 11.000 kilometres que je m'etais fixes. Je m'arreterai a Kasgar, j'ai besoin des miens.
D'autres Autopsis, d'autres routes, d'autres recits m'attendent; on ne se lasse ni du regard de son prochain, ni de la beaute du monde.